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mardi, 29 mai 2018

Fragments d’un exil amoureux : Seule sur la plage la nuit de Hong Sang-soo

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Article initialement publié dans le 10e numéro de Raskar Kapac

 

« Il faut mourir avec élégance », répète Younghee en portant la bière à ses lèvres, main sur le front et regard triste, passablement éméchée par l’alcool et usée par une déception amoureuse. « Personne n’est qualifié pour l’amour ! » ajoute-t-elle, exaspérée, à ses amis réunis autour de la table, installant un moment de gêne rapidement dissipé par un baiser saphique et une cigarette partagée sous la pluie. La joie reprend ses droits, pour un temps au moins. Aucun doute, nous sommes bien chez Hong Sang-soo. Promenades nocturnes en pleine ville, conversations sur la dilution des désirs dans le temps et la contrariété des sentiments qui refont surface, variations infimes des destinées, rencontres incongrues et repas bien arrosés, le style du réalisateur coréen est aisément repérable pour le spectateur qui, de films en films, accompagne ses personnages débonnaires et mélancoliques au gré de leurs beuveries mi-pathétiques mi-truculentes. Son dernier long-métrage, Seule sur la plage la nuit, ne fait pas exception. Et l'on retrouve – quelques mois à peine après la sortie du Jour d'après et avant la sortie de La Caméra de Claire – cet art délicat de filmer l'ébranlement des passions amoureuses par une mise en scène épurée et un regard caressant qui, s'il privilégie les plans fixes, joue des mouvements formels pour distiller une bizarrerie burlesque au sein de cette fable tragi-romantique.


Si fait, d’un hochement de caméra, d'un léger balayage de droite à gauche, les personnages se perdent dans leurs songes ou disparaissent du champ (ce qui revient au même). D’un zoom, la détresse de l’une se fige, la honte d’un autre devient palpable et le Quintette en ut majeur de Schubert retentit, étreint les cœurs. D’un changement de perspective, la même scène ouvre une nouvelle gamme dans la répétition de gestes et de paroles anodines, inclinant les personnages vers une toute autre fatalité. Si Hong Sang-soo s'amusait délibérément, à la faveur des variations d'angle, avec le thème du dédoublement dans Un jour avec, un jour sans et dans Yourself and Yours, il laisse ici son héroïne se perdre sur les rives hivernales des rêves enfouis, faisant de l’épuisement existentiel, plus que de la gémellité sentimentale, l’étoffe sablonneuse sur laquelle elle imprime son vague à l’âme. Portrait d'une jeune fille solitaire hantée par ses fantasmes, le récit brode ainsi une brisure intime sur des souvenirs épars, un désenchantement doux et amer face à l'absurdité du monde. En somme, le motif sublimement incarné de la désillusion des certitudes.


Sylvain Métafiot

mercredi, 16 mai 2018

La destruction par le vide : La petite gauloise de Jérôme Leroy

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Article initialement publié sur Le Comptoir

 

Ça commence à chauffer drôlement dans la cité des 800, le quartier “difficile” d’une grande ville portuaire de l’Ouest. On pourrait même dire que ça part sacrément en couille, pour reprendre le vocabulaire fleuri des jeunes du lycée professionnel Charles-Tillon, attenant à la cité. Les sirènes hurlent dans la nuit, les portes volent sous les coups de bélier, les voitures s’embrasent, les pierres et les cocktails Molotov fusent. La cause de ce déploiement en force des Robocops de la République ? Une fusillade au bar de l’Amitié qui a laissé sur le carreau deux islamistes armés d’AK-47, un indic camé troué par les balles desdites Kalachs et un flic des Renseignements, le capitaine Mokrane Méguelati, la tête malencontreusement pulvérisée par le fusil à pompe d’un collègue de la Municipale un peu à cran et franchement raciste. Et au milieu de cette fournaise sociale plane un ange, mais un ange déchu, beau et impitoyable comme le diable. Une petite gauloise, jeune, jolie, blonde, cultivée et débordant d’un nihilisme absolu exacerbé par la bassesse des hommes et la laideur du monde. Ce même nihilisme dont Albert Camus avait perçu les rouages mortifères dans son essai L’Homme révolté : « Suicide et meurtre sont ici deux faces d’un même ordre, celui d’une intelligence malheureuse qui préfère à la souffrance d’une condition limitée la noire exaltation où terre et ciel s’anéantissent. »

 

Autant dire que la Fête des voisins, dans la grande ville portuaire de l’Ouest, a un petit goût de poudre et de sang cette année. D’autant que pour compléter cette galerie de personnages couleur cendre, on croisera la route d’un prof de français à la misère sexuelle proprement houellebecquienne, d’une auteur jeunesse en pleine crise de la quarantaine, de terroristes en cavale aux faux airs de Pieds nickelés, d’un vieux facho à la gâchette facile, d’un proviseur shooté aux tranquillisants et d’un Combattant, issu des 800 et revenu de Syrie, dont le désir fou pour le corps d’une jeune fille au bord du gouffre pourrait presque le détourner du jihâd. Mais les manipulations sont légion et les échappatoires illusoires. Et on ne peut que remercier Jérôme Leroy (que nous avions interviewé à l’occasion du festival Quai du Polar 2015) de ne pas céder à l’anxiolytique littéraire en brossant, dans la droite ligne de ces précédents polars, le portrait d’une France où le rouge de la révolte se mêle à l’humour noir, le tout mâtiné de fanatisme vert tendance Daesh (collection printemps-été). Un mélange explosif, concentré dans une plume claire et nerveuse, qui déclenche un souffle ravageur et fantasque du premier mot à la dernière ligne. « Mais que salubre est le vent ! » clamait Rimbaud.

 

Sylvain Métafiot

lundi, 23 avril 2018

Quatre voix capitales : De colère et d’ennui de Thomas Bouchet

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Article initialement publié sur Le Comptoir

 

Paris, 1832. Alors que l’insurrection des républicains fait rage et que le choléra s’insinue dans les foyers, quatre femmes sortent des limbes des petites destinées personnelles pour apparaître, chacune à leur manière, sur la scène de la grande Histoire. C’est Adélaïde, la bourgeoise, qui aime correspondre avec son amie et arpenter le jardin des Plantes mais qui redoute les criminels qui rôdent autour du quartier de la rue de la Seine-Saint-Victor autant que la maladie qui fait effraction dans son quotidien convenu. C’est Émilie, militante farouche de la cause saint-simonienne, haranguant les travailleurs dans les cafés, prêchant la parole du Père, se faisant copieusement insultée par les habitués des estaminets de Ménilmontant. C’est Louise, la marchande ambulante, embrigadée (malgré elle ?) sur les barricades aux côtés des républicains, arrêtée à plusieurs reprises par la police, interrogée sans relâche, emprisonnée plusieurs années à Saint-Lazare pour actions subversives. C’est Lucie, enfin, recluse dans un couvent de la rue Neuve-Sainte-Geneviève, qui jouit intérieurement de sa foi extatique pour le Christ, hallucinant son amour pour Lui, “aidée” en cela par le choléra qui la détruit à petit feu.

 

Historien spécialisé dans la pensée et les pratiques politiques et sociales de la France du XIXe siècle, Thomas Bouchet (que nous avions interviewé à propos de son ouvrage Les Fruits défendus : Socialismes et sensualité du XIXe siècle à nos jours) s’empare cette fois-ci de la fiction pour relater les bouleversements de l’année 1832. Si le chercheur a parcouru de long en large la monarchie de Juillet pendant des décennies, accumulant un savoir érudit sur cette période charnière de l’histoire de France, l’écrivain se fait fort de donner corps et âme à des personnages qui possèdent les traits de personnalités ayant réellement existé. Comme il l’avoue lui-même : « À bien des égards Adélaïde ressemble à Alphonsine Delaroche épouse Duméril, Émilie à Claire Démar, Louise à Louise Bretagne. » S’appuyant sur une enquête minutieuse des archives de la police, des journaux, des livres et des registres de la morgue, Thomas Bouchet rend plus que vraisemblable les voix de ces quatre femmes qui, bien qu’étant issues de son imagination, révèlent la réalité sensible et tragique de cette époque pleine de révolte et de mélancolie.

 

Sylvain Métafiot

vendredi, 06 avril 2018

Éloge de l’androgyne par Joséphin Péladan

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Joséphin Péladan (1859-1918), mystique et néo-catholique dont la carrière littéraire est empreint de romantisme et d’occultisme – il se surnommait lui-même Sâr Mérodak, titre hérité, selon lui, d’un ancien roi babylonien –, proche des symbolistes, entourés d’esthètes (Gary de Lacrose, Elémir Bourges, Saint-Pol Roux) qui, comme lui, rejettent les laideurs induites par la civilisation industrielle, dresse ici, à la faveur de son immense culture, une théorie plastique de l’androgyne à travers l’étude des doctrines et des ouvrages du passé. Extraits.

 

La beauté se manifeste au commun des hommes, sous les traits de la Concupiscence. On dit une beauté pour désigner une femme, quoi qu’il n’y ait aucun rapport réel entre le beau et le sexe. Des siècles de littérature et de galanterie ont sexualisé l’esprit occidental, qui a renversé la pure statue des initiés pour installer sur son piédestal le banal symbole de l’instinct.

 

Pour découvrir l’opinion du plus grand nombre, il suffit de presser les expressions courantes et d’en faire jaillir, purulence de bêtise, l’idée de ceux qui ne pensent pas. Les clercs abominent les nudités, comme si le nu était par lui-même vicieux.

 

Au Moyen Âge et plus spécialement au XIVe siècle, une spiritualisation étonnante se produisit dont saint François le systématisé avait été l’initiateur radieux ; les mystères des confrères de la Passion se réverbérèrent dans l’œuvre d’art, qui cherche le pathétique exclusivement. On pleurait trop devant les Piéta pour songer à la beauté du corps : les larmes voilaient le regard, tourné à l’intérieur, contemplant une autre beauté : mais distribuer des caleçons dans le Jugement dernier de Michel-Ange, c’est un acte de pusillanimité qui contredit en même temps, à l’esthétique et à la foi. À l’époque de l’art pour l’art, et moins que cela, de l’art pour le métier, on croit que les Grecs faisaient du beau pour du beau : ces formes que nous admirons sans les comprendre comme le terrassier dont la pioche rencontre une inscription aux lettres magistrales, les apprécie sans pouvoir les lire ni les traduire, – ces formes ne sont pas que des corps, comme celui que pétrit Prométhée sur les sarcophages et les camées. Athénée, déesse védique de l’Aurore et de l’intelligence donnera l’âme. […]

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jeudi, 29 mars 2018

Une affaire de femmes : « Ouaga Girls » de Theresa Traore Dahlberg

 

Article initialement publié sur Le Comptoir

 

Sélectionné au festival Visions du Réel et au festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou, « Ouaga Girls », premier long-métrage de Theresa Traore Dahlberg, suit pas à pas la formation de jeunes Burkinabées dans leur apprentissage de la mécanique automobile. Un choix professionnel osé et ardu dans un pays où – malgré une vague révolutionnaire et démocratique ayant modifié le paysage politique ces dernières années – le patriarcat domine toujours les mentalités. Un documentaire d’un féminisme solaire qui montre que s’émanciper c’est avant tout plonger joyeusement les mains dans le cambouis.

 

Dans un pays où l’agriculture représente 80 % de son économie, la décision d’entamer une carrière dans le secteur professionnel de la mécanique auto n’est pas une sinécure. Faire ce choix en étant une femme redouble l’audace, remettant en cause de sévères préjugés sur leurs capacités à exercer une autre fonction que mère au foyer, coiffeuse ou esthéticienne.

 

Car la condition des femmes au Burkina Faso n’est pas des plus riantes : sous-représentées dans l’enseignement secondaire et supérieur, souffrant d’un analphabétisme élevé, subissant des mariages précoces et forcés. Par ailleurs, les mutilations génitales ont beau être interdites depuis 1996, elles restent encore largement pratiquées. Ajoutons enfin à ce sombre tableau les assauts répétés d’attaques terroristes depuis 2016 (huit militaires tués lors de la dernière en date, du 2 mars dernier) du fait de la proximité du pays avec l’instabilité sahélienne et un indice de développement humain terriblement bas (185e sur 188).

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lundi, 12 mars 2018

Diableries & Petit abécédaire du noir

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Article initialement publié sur Le Comptoir

 

Délicieux recueil – à lire aux heures hivernales où les ombres prennent vie – que ce Diableries, établi par les éditions Otrante, regroupant pêle-mêle des contes sur des spectres parfois vengeurs, parfois farceurs, des démons déguisés en mineurs, un ménétrier ensorcelé par une musique infernale, des orgies sataniques, un cortège d’animaux possédés et des pactes méphistophéliques ; des légendes sur des châteaux livrés au sabbat, un manoir bâti par le Diable en personne, un quartier malfamé construit sur un marais fétide et des lutins tapageurs qui font fuir les voyageurs ; des histoires de machinations maladroites, de malentendus cocasses et de tromperies effroyables ; et autres anecdotes des temps passés sur des procès en sorcellerie, des exorcismes qui tournent mal et des cas inexpliqués d’apparitions fantomatiques. En somme, « ces récits fabuleux / Qu’aux lueurs de la lampe au vague effroi propices / Le soir, près du foyer, racontent les nourrices. » (Goethe, Le Roi des Aulnes)

 

On lira également, chez le même éditeur, le Petit abécédaire du noir regroupant une collection anonyme de 21 initiales ornées – tantôt d’un crâne et de deux tibias croisés, tantôt par des anges ou par la mort elle-même – datant du milieu du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle, représentant la lettre V, laquelle ouvrait les invitations aux obsèques ou les faire-part de décès (« Vous êtes priés d’assister au Convoi… »). Ces illustrations morbides sont judicieusement agrémentées d’une danse macabre géorgienne dénichée par Henri Cantel (auteur du célèbre poème érotique Amour et priapées) en 1860. Cette ancienne légende de Tiflis raconte la procession, le jour de la fête des Morts, au sommet du plateau aride du monastère de la Sainte-Croix, non loin de l’ancienne capitale de la Géorgie, Mtzkhéta, des trépassés devant le jugement de Satan, trônant devant un brasier immense, vitupérant cette foule sans nombre : « Je frappe, je corromps, ma haine verse à flots / Sur le lâche univers le crime et les sanglots. / Le Christ même n’a pu terrasser mon courage ; / À l’arbre de la croix j’arrache son feuillage, / Qui de fleurs et de fruits couvre l’humanité, / Et je suis encor roi dans mon éternité. » 

 

Sylvain Métafiot

samedi, 24 février 2018

Quand le tourne-disque surchauffe : les tubes face à la censure

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Article initialement publié sur Le Comptoir

 

Après avoir tracé une « histoire de nos oreilles » dans « Écoute » (2001) et définit une « éthique de l’espionnage » dans « Sur écoute » (2007), le philosophe et musicologue Peter Szendy nous invite, dans « Tubes : La philosophie dans le juke-box » (2008), à re-connaître ces chansons habituelles, ces « vers d’oreille » que l’on surprend au hasard à la radio ou dans les magasins et qui hantent notre quotidien de façon plus ou moins inconsciente. S’efforçant de donner une « dignité philosophique à un objet aussi banal et singulier », il s’exerce, à la manière de Walter Benjamin analysant les publicités, à penser le tube sous l’égide du principe fondateur de la philosophie : l’étonnement. Balade au cœur de ces airs comme ça, en compagnie d’ « Imagine » de John Lennon, « Georgia in my mind » de Ray Charles, Aretha Franklin ou Serge Gainsbourg.

 

Le chapitre intitulé « Mélodie interdite » mérite à lui seul une attention particulière. Paradoxalement, la censure musicale ne peut s’exercer sur une mélodie, mais sur ses paroles. Et si un genre peut à lui seul être interdit, ces « hymnes intimes au capital » ne peuvent faire l’objet d’aveu.

Les tubes en tant qu’hymnes inavouables

Le Comptoir, Sylvain Métafiot,Quand le tourne-disque surchauffe,les tubes face à la censure,Peter Szendy,La philosophie dans le juke-box,John Lennon,Ray Charles,Aretha Franklin,Serge Gainsbourg,Censurer un tube ? Drôle d’idée. Ces chansons archi-connues ne semblent pas, a priori, être suspectes de messages subversifs, injurieux ou révolutionnaires. La commercialisation à outrance dont elles sont l’objet les poussent davantage à se conformer à une certaine “bien-pensance” globale afin de toucher le plus grand nombre possible dans une logique, non pas de reconnaissance artistique, mais de rentabilité financière. Exit donc les textes provocants ou dérangeants. Et pourtant… Les tubes « évoquent des pensées inavouables, ils représentent ce qu’il vaudrait mieux taire, dans le secret gardé ». Ce qu’illustre parfaitement la chanson de Serge Gainsbourg, Mélodie interdite, interprétée par Jane Birkin : « Il est interdit de passer / Par cette mélodie / Il est interdit de passer / Par cet air-là / Cette mélodie est privée / Strictement interdit danger… / Ce que cette mélodie me rappelle / C’est strictement confidentiel… »

 

Ce tube suggère l’interdit, se prête à la censure mais n’en fait pourtant pas l’objet. Car « la mélodie qui s’autodésigne dans la chanson » n’a aucune raison d’être censuré de par son essence même, étant donné qu’elle n’a pas de “contenu déterminé”. Le texte seul semble être concerné par l’interdiction, que celle-ci soit voulue ou non.

 

De par son titre et son texte, cette Mélodie interdite est emblématique de l’interrogation de la censure que ce soit dans le mécanisme de la psychologie ou dans l’insertion capitaliste qui régissent leur mode de fonctionnement consumériste (on retrouve l’analogie de Walter Benjamin considérant « la censure comme reproduction des mécanismes de refoulement à l’œuvre dans l’inconscient »). Ainsi, malgré leur caractère, à première vue, consensuel, il semblerait que les tubes jouent un numéro d’équilibriste entre l’obsession et l’interdiction, ce qui ne les protègent donc pas de la censure, accroit leur forme désirante, obsessionnelle et leur caractère forcément inavouable.

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mercredi, 31 janvier 2018

Amer béton : « Taste of Cement » de Ziad Kalhtoum

 

Article initialement publié sur Le Comptoir

 

Lauréat de nombreux prix au sein de festivals internationaux où il fut accueilli avec ferveur, le documentaire « Taste of Cement » raconte le quotidien de travailleurs syriens, immigrés au Liban pour fuir la guerre civile de leur pays, s’affairant sur le chantier d’un gigantesque immeuble de Beyrouth. S’attachant à une mise en scène sensitive, avec un soin tout particulier accordé au son, le réalisateur syrien Ziad Kalhtoum ne sacrifie pas sa sensibilité d’artiste sur l’autel du discours militant, proposant une expérience de cinéma envoûtante sur un sujet pour le moins dramatique.

 

Petit rappel historique. De 1975 à 1990, le Liban a été le théâtre d’une guerre civile interconfessionnelle opposant, dans un premier temps, le Front libanais, à dominante maronite, à l’Organisation de libération de la Palestine, bras armé de la coalition “palestino-progressiste” musulmane. Interviendra par la suite l’armée israélienne (entraînant notamment le massacre des camps de Sabra et Chatila par les milices phalangistes), la coalition internationale, les partis chiites (Amal et Hezbollah) ainsi que des tentatives de cessez-le-feu émis depuis la Syrie. Près de 200 000 civils furent tués et des centaines de milliers d’autres exilés.

 

Vingt-un ans plus tard, la Syrie est elle-même en proie à une guerre civile à la suite de manifestations pacifiques réclamant, dans l’effervescence du Printemps arabe, la fin du régime autoritaire du président Bachar el-Assad. Réprimée dans le sang, la contestation du régime baasiste mute en conflit armé, entraînant dans son sillage une multitude d’acteurs (l’Armée syrienne libre, les brigades islamistes sunnites, le Front al-Nosra, l’État islamique, divers partis Kurdes syriens, les pays du Golfe, le Hezbollah, la Russie, l’Iran, les États-Unis…) et établissant une situation géopolitique d’une complexité inouïe. À ce jour, le nombre de victimes s’élève à plus de 500 000 et six millions de Syriens ont fui leur pays.

 

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mardi, 16 janvier 2018

Satire à vue : Vie et faits du fameux chevalier Schenapahnski

Le Comptoir, Sylvain Métafiot,Vie et faits du fameux chevalier Schenapahnski, Satire à vue,Georg Weerth, Editions RN,Sonnez hautbois, résonnez musettes, faites place à sa seigneurie, le chevalier Schenapahnski ! De ce roman satirique, rédigé au cœur du Printemps des peuples par Georg Weerth (1822-1856), se dégage un humour, une intelligence et une verve tout simplement exquis. Un voyage truculent à travers l’Europe où – des contrées de Silésie aux salons viennois, des champs de bataille espagnols à une île perdue en mer du Nord, du banquet du Gürzenichde de Cologne au parlement de Francfort – la quête de gloire, de femmes et de picaille donnent lieu à des situations aussi absurdes qu’hilarantes. Fameux, le chevalier l’est assurément. Et coureur aussi, joueur, volage, sans oublier querelleur et magouilleur, avec une pointe de friponnerie et d’avidité. Schenapahnski a la prestance d’Errol Flynn, la naïveté de Don Quichotte, la folie de Münchhausen et le charme ineffable de Jean Rochefort. Il séduit les épouses aussi élégamment qu’il les détrousse, mais s’enfuit toujours d’un pas leste quand les maris sortent fleurets et pistolets. À travers les péripéties du chevalier, c’est toute la bonne société du XIXe siècle qui est tournée en dérision, des bourgeois repus aux aristocrates cornus en passant par les généraux ballonnés, les politiciens demeurés et les comtesses ratatinées.

 

Collaborateur de Marx et Engels au sein de la Nouvelle Gazette rhénane où parurent, sous forme de feuilleton entre août 1848 et janvier 1849, les aventures de Shenapahnski, Georg Weerth ne doit sa mince renommée qu’à son poème La Chanson de la faim. Il fut emprisonné trois mois pour avoir “diffamé” le prince Felix Lichnowsky – inspirateur, bien malgré lui, du fieffé chevalier. Satiriste contrarié et révolutionnaire convaincu, Weerth jugeait ses récits moins importants que ceux de Marx, se reprochant d’écrire de « mauvaises plaisanteries pour arracher un sourire falot aux ganaches patriotiques ». La frivolité de sa plume était pourtant trempée dans la plus rouge des indignations : « Et nous en ririons encore si les cadavres des prolétaires de Paris, Vienne et Berlin ne nous ricanaient au nez, de balles criblés, par cet amas rutilant de princes “amis des peuples”, par ces serviles serviteurs et ces dupes de représentants du peuple ; si ne remontaient pas jusqu’à nous les râles des Polonais piétinés, les cris à l’aide des Hongrois torturés et les cris de rage de la Lombardie dévastée par cet écheveau de garanties hypocrites, de mensonges éhontés. »

 

Article initialement publié sur Le Comptoir

 

Sylvain Métafiot

jeudi, 04 janvier 2018

Cimes cinéphiliques 2017

 

Qui succède à Ma Loute de Bruno Dumont au titre de meilleur film de l'année ? La réponse dans notre habituel top 10, suivi de son flop 10 tout aussi subjectif.

 

Au sommet cette année

 

1) Laissez bronzer les cadavres ! de Hélène Cattet et Bruno Forzani : joutes verbales en rafale entre flics et truands, gerbes d’or et de sang sous un cagnard léonien, huis-clos hyper stylisé dans lequel l’action tourbillonne sans répit.

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2) Silence de Martin Scorsese : la croix et le katana

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3) Grave de Julia Ducournau : quand le dégoût du corps mute en addiction de la chair le cinéma de genre français redevient appétissant.

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4) Neruda & Jackie de Pablo Larraín : doublé exceptionnel du réalisateur chilien qui s’empare de deux mythes historique pour les réinventer par le biais de la fiction.

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5) Creepy de Kiyoshi Kurosawa : terreur sous vide

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