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jeudi, 04 octobre 2018

Pièce et Main-d'Oeuvre : "La fabrication de post-humains créera deux espèces d'humanité."

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Article initialement publié dans le 1er numéro de La Revue du Comptoir

 

Se réclamant des luddites anglais du XIXe siècle, ces ouvriers anglais qui sabotaient leur travail en détruisant les métiers à tisser, les citoyens anonymes de l’atelier grenoblois Pièces & main-d’oeuvre (PMO) luttent depuis quinze ans contre l’emprise grandissante de la tyrannie technologique sous ses formes les plus diverses : téléphone portable, surveillance généralisée, puces RFID, nanotechnologies, biométrie, transhumanisme, manipulations génétiques, etc. Considérant la technologie comme la continuation de la guerre, c’est-à-dire de la politique, par d’autres moyens, ils ne cessent de produire des enquêtes critiques publiées aux éditions L’échappée et sur leur site, afin de combattre cette nouvelle industrie de la contrainte. Leur mot d’ordre ? « Brisons les machines ! »

Le Comptoir : Lors de votre manifestation au forum TransVision – un cycle de conférences consacrées au transhumanisme qui se tenait à l’ESPCI ParisTech – vous distribuiez l’Appel des chimpanzés du futur. Ce tract faisait écho à la déclaration d’un transhumaniste désormais célèbre, l’universitaire britannique Kevin Warwick, qui a déclaré qu’à l’avenir, « ceux qui décideront de rester de [simples] humains et refuseront de s’améliorer, auront un sérieux handicap. Ils constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur. » Que voulait-il dire ? Pourquoi refuser cette « amélioration » ?

Pièces & main-d’oeuvre : Les transhumanistes sont les héritiers du courant eugéniste qui, dans les années 1930, prônait l’”amélioration” de l’espèce par la sélection biologique des individus, à l’instar du biologiste Julian Huxley (frère d’Aldous), inventeur du mot ”transhumanisme”. Leur projet est identique : remplacer l’évolution naturelle par une mutation artificielle, dirigée. Dépasser les « voies anachroniques de la sélection naturelle », comme dit le généticien fondateur du Téléthon, Daniel Cohen, pour fabriquer en laboratoire l’espèce qui nous remplacera. Une espèce hybride, mi-organique, mi-cybernétique (cyborg), prétendument ”augmentée” par l’incorporation de dispositifs technologiques. Les transhumanistes revendiquent le droit de façonner leur corps à leur guise, afin d’en améliorer les ”performances” physiques, sensorielles, cognitives, émotionnelles, pour, finalement, tendre vers l’immortalité. Les technologies convergentes – nanotechnologies, biotechnologies, informatique, sciences cognitives – produisent déjà des ”pièces” de l’homme-machine : implants, prothèses, organes artificiels, interfaces électroniques. Le transhumanisme n’est plus seulement une idéologie : il est à la fois le produit du techno capitalisme contemporain et un promoteur du progrès technologique. Aussi, de gauche à droite, les progressistes applaudissent ces ”avancées de la science”, sources de croissance et de puissance.

 

Comme l’eugénisme biologique, l’eugénisme technologique sélectionne les individus : les ”augmentés” et les ”diminués”. Les derniers correspondant à la sous-espèce de Kevin Warwick : ceux qui ne pourront ou ne voudront pas devenir cyborgs. De facto, la fabrication de post-humains créera non pas une humanité à deux vitesses, mais deux espèces d’humanité. On sait ce qu’il advient des soushommes dans une société de surhommes, d’Übermenschen ; et des chimpanzés dans un monde anthropisé – chasseurs, agriculteurs, citadins. Afin de ”s’améliorer”, les transhumanistes rejettent leur histoire naturelle pour devenir des artefacts, dépendants de leurs concepteurs, fabricants et vendeurs. Quitte à détruire l’universalité de la condition humaine au profit d’un chaos asocial, où chacun s’auto-conçoit selon son désir et où nul ne se reconnaît en personne. Pour eux, l’humain est l’erreur : fragile, faillible, soumis au hasard de l’évolution. Leur toute-puissance doit élargir l’emprise sur l’espèce. Leur volonté doit soumettre le processus évolutif pour lui substituer un ”fonctionnement machinique”, optimisé et sous contrôle : totalitaire. Ayant fait de cette planète un monde-machine, une cyber-sphère, les technocrates s’emploient à la peupler d’hommes-machines, suivant l’injonction du cybernéticien Norbert Wiener, en 1945 : « Nous avons modifié si radicalement notre milieu que nous devons nous modifier nous-mêmes pour vivre à l’échelle de ce nouvel environnement. » Avant, espèrent-ils, d’aller coloniser d’autres planètes, selon la politique de la ”Terre brûlée”.


L’Appel des chimpanzés du futur évoque cet élan historique qui, depuis plus d’un siècle, a vu converger dans un même mouvement la technologie et le totalitarisme. Quels que soient les régimes, la technocratie fait de la puissance techno-scientifique le moteur et le but du ”progrès”. Ce ”progrès” technologique est un regrès social et humain. Contre le transhumanisme, ce nazisme en milieu scientifique, nous devons, pour rester humains, penser et nommer les choses. Les idées ont des conséquences. Nous, animaux politiques, devons formuler les idées justes pour défendre notre humanité contre le machinisme des transhumanistes.

 

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mercredi, 20 juin 2012

Un humain presque parfait

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Souvenez-vous : l'article de Pierre, Transhumanisme, l'avènement inévitable et catastrophique d'un fantasme adolescent, proposait une réflexion poussée sur le phénomène typiquement post-moderne du transhumanisme.

 

Pour prolonger le débat nous vous invitons à regarder cet excellent documentaire Infrarouge de Cécile Denjean, Un homme presque parfait, rendant compte des dernières avancées technologiques en terme de transhumanisme et de post-humain. Ce que vous verrez n'est pas de la science-fiction, cela existe ici et maintenant.

 

Des améliorations techniques qui posent une somme de questions considérables, notamment en termes d'éthique, de morale, de philosophie, de rapport au corps et à l'âme, à la nature et à la culture. Si certains progrès médico-technologiques sont évidemment bienvenus (soigner la maladie d'Alzheimer et les troubles obsessionnels compulsifs, maintenir en vie des bébés nées prématurément, redonner "vie" à des bras et à des jambes, etc.) d'autres font irrémédiablement penser au Meilleur des mondes d'Aldous Huxley et de Bienvenue à Gattaca d'Andrew Niccol.

 

Au-delà des problèmes, notamment l'eugénisme (même s'il est libéral, individualiste et non imposé par l'Etat), que de telles avancées peuvent provoquer, la question de la signification même de l'être humain est  de nouveau posée, ainsi que du sens que celui-ci donne à la vie.

Comme le dit le philosophe Jean-Pierre Dupuy, "il faut deux conditions pour que la vie est un sens : qu'elle ait une fin et qu'elle soit tissée de hasard. Supprimer la mort et le hasard c'est supprimer le sens de la vie".


Après tout, Rimbaud aurait-il été meilleur poète avec des implants ? Arthur Rubinstein meilleur pianiste avec des mains bioniques ?


Et vous, êtes-vous prêt à implanter Google dans votre cerveau ?


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jeudi, 22 mars 2012

Transhumanisme, l'avènement inévitable et catastrophique d'un fantasme adolescent

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Nous vivons une époque merveilleuse.

            Le projet démiurgique de fabriquer de l'humain a quitté le domaine du mythe pour s'inscrire dans un horizon temporel. Dissimulé dans la fragmentation des savoirs, l'homme de demain se veut modifiable à l'envie, possède une durée de vie aussi allongée que son compte en banque le permet, et se lance de toutes forces dans une quête d'emprise toujours plus grande sur la nature et sur ses semblables.

 

Il ne s'agit pas de l'Übermensh nietzschéen, cet homme inaccessible vers lequel tendre sans relâche, parangon d'individualisme aux qualités morales toujours nouvelles et uniques. Non, ce que la science propose est une version abâtardie d'un Superman lobotomisé pour accueillir l'esprit de sa Némésis, Lex Lutor. Autrement dit, un être matériellement supérieur dès sa naissance, cherchant toujours plus de puissance par des moyens matériels, fier d'une morale prométhéenne, utilitariste et fanatique. Les nazis ne souhaitaient pas autre chose.

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