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mardi, 26 novembre 2019

Crise sociale, remède littéraire : Revue Zone Critique #1

Revue Zone Critique #1.pngAprès sept années d’existence en ligne, la revue Zone Critique sort son premier numéro papier dont le thème principal – et très actuel – est la crise sociale. Servie dans un écrin du plus bel effet (la mise en page, la typographie, les illustrations : tout est d’une grande finesse), la revue accorde une large place à la réflexion littéraire mais aussi à l’analyse cinématographique avec notamment des portraits de Bong Joon-ho et sa « révolte biologique » des prolétaires, Ken Loach et sa dénonciation du libéralisme économique, Lee Chang-Dong et son « thriller poétique » Burning. Mais l’on parcourt aussi la rugosité des paysages dans le cinéma de Bruno Dumont et des frères Dardennes, la sublimation du réel chez Godard ou les apories du capitalisme dans la saga Alien.

 

Côté littérature, on apprend notamment que Les Misérables de Victor Hugo est l’antithèse du roman social ; ainsi que la différence entre un roman militant (un discours univoque calqué sur une intrigue manichéenne, à l’instar des Renards pâles de Yannick Haenel) et un roman politique (saisissant la complexité des personnages, leurs contradictions, introduisant nuance et précision, comme chez Arno Bertina ou François Bégaudeau). Ce dernier, dans un long entretien, assume « la beauté et la puissance de la pensée radicale », tandis que Marion Messina appel à retrouver le sens de la beauté et de l’universel en littérature contre les « petites ambitions » de l’autofiction.

 

On y trouve également un portrait de Houellebecq en lyrique contrarié dont l’œuvre « cartographie un monde déstructuré par l’économie de marché, par la libéralisation des corps et la fragmentation du lien social » ; une analyse de l’écriture à contre-courant de l’aliénation moderne de Marc-Emile Thinez et une exégèse de la « langue virevoltante » et politique d’Alain Damasio. Céline, en « diagnosticien du social », dynamitant la langue et incorporant dans « l’écriture la rage des victimes modestes », fait face à Steinbeck et son « humanisme compassionnel », sa « pitié grandiloquent », ses grands principes et ses bons sentiments en somme. Enfin, quelques écrivains, poètes et essayistes répondent chacun à leur manière à la question d’Hölderlin : « À quoi bon des poètes en temps de détresse ? »

 

Sylvain Métafiot

 

Article initialement publié sur Le Comptoir

jeudi, 28 février 2013

Cinéma : paye ta place à 15 euros, sale pauvre !


 

Article initialement paru sur RAGEMAG

 

L’info est passée relativement inaperçue et, pourtant, symptôme parmi d’autres d’une putasserie capitaliste, elle mérite qu’on s’y arrête : le Pathé Wepler, à Paris, inaugure le ciné à deux vitesses en proposant des billets premium pour 2 euros de plus. En gros, si après une journée de boulot tu décides d’emmener Cynthia, la nouvelle stagiaire, se faire une toile et que t’aimerais être bien posé (c’est-à-dire au centre de la rangée principale), eh ben il faudra raquer 2 euros en rab. Sinon ? Tu seras relégué aux tréfonds de la salle comme un vulgaire clodo incontinent.

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samedi, 26 janvier 2013

En chute libre

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« À condition de se poster aux bons endroits, le touriste est plus facile à exterminer que la vipère »

Jonathan Swift

 

Quel animal plus pernicieux et répugnant que celui de touriste ? Cet être vulgaire et cuistre ayant comme unique but de comparer les merveilles qu’il visite au guide de voyage qu’il trimbale partout, au lieu de les contempler. Ce lourdaud pathétique s’extasiant devant les devantures en toc des magasins censés reproduire la « culture d’origine » du pays qu’il visite. Ce beauf fatiguant, trépignant d’inquiétude s’il ne retrouve pas son McDo et son feuilleton préféré à l’autre bout du monde ; parce que le pauvre bichon est perdu sans les repères qui servent de boussoles à sa vacuité existentielle. Bref, cette part honteuse de l’être humain dont il serait bien prétentieux de s’exclure.

 

Ben Wheatley semble partager cette opinion puisqu’il nous gratifie, après le terrifiant Kill List, d’une savoureuse comédie, noire comme la gueule d’un mineur d’un film de Ken Loach, drôle comme un sketch de Benny Hill sous acide et méchant comme une rombière un samedi de soldes : le bien nommé Touristes.

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mardi, 27 novembre 2012

Pourquoi bosser quand on peut aller au ciné ?

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« L'homme n'est pas fait pour travailler, la preuve c'est que cela le fatigue »

Voltaire

 

« Travail », c'est-à-dire, étymologiquement, tripalium : instrument de torture à trois pieux. C'est de cette souffrance fondamentale que traite la grande majorité des films liés à lui. Des Temps modernes de Charlie Chaplin à La question humaine de Nicolas Klotz en passant par The Navigators de Ken Loach et L'Adversaire de Nicole Garcia, tous critiquent, d'une façon ou d'une autre, cette nécessité économique soit-disant incontournable de la vie.

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vendredi, 29 mai 2009

Looking for Ken

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On cherchai Ken Loach, c'est au festival de Cannes qu'on l'a trouvé. Et à 72 ans, en bonne forme le bougre ! Après le dramatique et sublime It's a free world, Loach repasse derrière la caméra pour nous livrer une comédie assez inattendue et légère : Looking for Eric.  Inattendue car, jusqu'ici, Loach nous avais habitué aux drames personnels poignants (My name is Joe, Sweet Sixteen) et à la critique féroce de situations politique hostiles et dérangeantes (Land and Freedom, Bread and Roses, The Navigators, Le vent se lève palme d'or 2006). Inattendue également car c'est mister Eric Cantona la guest star du film et il se montre particulièrement convaincant en coach philosophe essayant de sortir la tête de l'eau d'Eric Bishop (Steve Evets), véritable (anti)héros de l'histoire. Celle-ci peut se résumer à la vie de ce looser pathétique qu'est Eric Bishop, écartelé entre son boulot de facteur monotone, ses deux beaux-fils difficilement supportables, ses potes qui essayent de le faire sourire, sa fille qu'il a du mal à aider et surtout  son ex-femme dont il brule encore d'amour. Seul The King Cantona semble pouvoir l'aider à remonter la pente à l'aide d'une thérapie imaginaire à base d'aphorismes bien placés...

 

Sans mériter le prix d'interprétation masculine, le légendaire numéro 7 de Manchester United, s'en sort remarquablement  bien devant la caméra, parfaitement guidé par le réalisateur dont il apprécie, par ailleurs, l'engagement politique dont il fait preuve dans ses films. Excellant dans l'auto-parodie et la maîtrise de soi, Cantona insuffle une énergie et une bonne humeur communicative, autant à Eric Bishop qu'à nous, simples spectateurs amusés et désabusés par tant de second degré so british.

 

Ecoutons Ken Loach : "Est-ce que Cantona incarne l'inconscient de mon héros ? Je n'ai pas trop envie de creuser la question... Moins j'en sais sur mes propres films, plus je peux imaginer les suivants librement. Je laisse les autres analyser. Je sais simplement que le film raconte à quel point cet homme n'est pas devenu la personne qu'il aurait pu être. Il montre comment il en est arrivé là, et comment il peut s'en sortir... Avec Cantona comme référence. "Looking for Eric" c'est surtout le portrait d'un homme qui est aussi grand-père. C'est un homme qui, au départ, est déconnecté de tout et de tous. J'observe comment il redevient un élément moteur au sein d'une famille. Avec la certitude d'avoir Cantona à nos côtés, ce qui devenait le plus important, c'était finalement moins de chercher un sujet que de trouver quel pouvait être le coeur du film."

 

En fin de compte, ce que cherche Eric Bishop ce n'est pas Eric Cantona, l'idole à qui il donne vie, mais lui-même. Retrouver la confiance qu'il détenait auparavant, la  joie de vivre et la force de surmonter les obstacles lui barrant la route de son bonheur propre et familiale. L'unité permet de supporter les difficultés.

 

Ken Loach encore : "Dans la vie, comme au foot, ce qui fait le plus progresser, c'est l'équipe. Pour marquer, il faut qu'un autre vous passe la balle. Il y a peut-être des gens qui s'accommodent de leur solitude mais je pense que l'homme est fait pour avoir quelqu'un qui l'aime à ses côtés, des amis, un entourage... [l'homme est le seul animal politique] Et que les uns et les autres, on se fait des passes. On devrait en tout cas. Et "Lookin for Eric", c'est ça."



 

 

Encore une fois, malgré la rupture de genre, Ken Loach nous prouve son savoir-faire indéniable pour créer des univers à la fois terriblement réels et attachants. Sans atteindre la qualité de ces précédents films « pessimistes » (drames politiques sur fond de réalisme social), on passe un bon moment devant cette comédie parfois hilarante (la séance de psy collective, la scène du pub ou l'opération Cantona). Pas question de chercher de chercher des invraisemblances suspectes ou un message fort, tout est question d'humanité. Don't forget: « it's not a man, it's Ken Loach ! »

 

Sylvain Métafiot