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mardi, 24 septembre 2013

Leviathan, l'océan de ténèbres

 

 

31. Il fait bouillir le fond de la mer comme une chaudière, Il l'agite comme un vase rempli de parfums.

 

32. Il laisse après lui un sentier lumineux ; L'abîme prend la chevelure d'un vieillard.

 

33. Sur la terre nul n'est son maître ; Il a été créé pour ne rien craindre.

 

Job - 41


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Sylvain Métafiot

samedi, 14 septembre 2013

Nous autres, enfants de la totalité


Article initialement paru sur RAGEMAG


Si Thomas More a créé l’œuvre utopique archétypale avec Utopia, le Russe Evguéni Ivanovitch Zamiatine peut être considéré comme son pendant contre-utopique avec Nous autres. La première grande contre-utopie du Xxe siècle est un monument de science-fiction politique, l'incarnation d'une nouvelle et radicale dimension romanesque contre le mythe du progrès.


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Retour au livre. Nous sommes au XXXVIème siècle, l’État unique règne sur une société parfaite, celle de la « dernière révolution », une ville monde où ni le plaisir ni la misère n'existent. Au sommet se trouve le Bienfaiteur (numéro d’entre les numéros), sinistre anticipation du stalinisme et caustique analyse de ce que, déjà, en 1920 recèle le système bolchevique. Le grand Guide est ainsi réélu tous les ans à la même date à l’unanimité et impose l’Harmonie à tous ses membres. L’ironie contre-utopique est de mise : là où règnent l’inversion et le faux-semblant, le Bienfaiteur est celui qui élimine les opposants, de la même façon que le « Big Brother » d’Orwell incarne l’espionnage et la répression.

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samedi, 07 septembre 2013

I Wish, l'éruption d'un miracle

 

Article initialement paru sur RAGEMAG

 

Sur l'île de Kyushu, au Japon, Koichi, petit garçon de 12 ans vit à Kagoshima avec sa mère et ses grands-parents, tandis que son frère Ryûnosuke vit avec son père dans un village du nord de l'île. Attristés par ce divorce, les enfants décident de se rendre au lieu où les deux premiers trains du Shinkansen se croiseront pour y exaucer le vœu de réunir leur famille. Paradoxe émouvant : c'est au sommet de la technologie, qui restreint de plus en plus notre liberté, que le miracle pourra se réaliser. En arrière-plan, un autre sommet gronde : le volcan Sakurajima.

 

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La grâce du film c'est aussi cette mélancolie estivale quelque peu caractéristique des productions japonaises : on songe à la famille atypique de The Taste of Tea de Katsuhito Ishii, à la plupart des films de Takeshi Kitano (Sonatine, L'été de Kikujiro, A Scene at the sea), ou, plus traumatisant, aux grillons perpétuels de la série Evangelion. Devant ces films, on expérimente le « bonheur d'être triste » selon la belle définition de Victor Hugo. Le quotidien de Koichi et de Ryûnosuke est ainsi sublimé par la poursuite d'un bonheur idéal, mais une poursuite à l'allure d'une marche joviale.

 

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I Wish c'est une aventure enfantine qui fait pleurer les grands, hantés par les réminiscences fugaces d'une quête aussi belle que titanesque (l'union dans l'amour), en enserrant leurs cœurs vides de rêves.

 

Sylvain Métafiot


"I Wish, l'éruption d'un miracle", article publié sur RAGEMAG, 07/08/2013, URL : http://ragemag.fr/cinema-la-selection-dete-de-la-redactio...