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lundi, 14 janvier 2019

L’homme du souterrain : The House that Jack built de Lars von Trier

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Article initialement publié sur Le Comptoir

 

Lars von Trier aurait-il réalisé son grand oeuvre, sa grande farce macabre ? Celle qui boucle le cercle noir entamé dès Element of crime en 1984, point de départ d’une trilogie (suivront Epidemic et Europa) sur une Europe transformée en purgatoire urbain jalonnée d’histoires labyrinthiques et poisseuses. Ce n’est sans doute pas un hasard si, dans ce premier film, on entend la comptine populaire anglaise qui donne son titre au dernier long-métrage du cinéaste danois : plus qu’un indice, un memento mori filmique qui rappelle, à plus de trente ans d’écart, son obsession, teintée d’ironie, pour les pulsions criminelles et auto-destructrices nichées au cœur des hommes.

 

Les « incidents » qui parsèment The House that Jack built constituent les chapitres d’un conte moderne à la noirceur exacerbée et à l’humour grinçant. Construit sous la forme d’un long flash-back, Jack, le tueur psychotique et méthodique, raconte ainsi à Verge cinq meurtres avec une minutie et un détachement qui, en sus de l’horreur des actes proprement perpétrés, confinent à une drôlerie inattendue. Ainsi, des talents d’acteur et de bonimenteur de Jack pour tromper ses victimes, ses TOC qui l’obligent à nettoyer plusieurs fois la même scène de crime, son cynisme lorsqu’il avoue ses crimes à un policier indifférent, la chance insolente qui lui permet d’échapper à la justice et lave littéralement ses forfaits. S’estimant le bâtisseur d’un monument glorieux et immortel, Jack ne cesse de justifier ses actes ignobles en s’estimant le continuateur esthétique du génocide nazi, des purges staliniennes et autres massacres de masse, faisant de la « pourriture noble » son emblème oxymorique. De fait, seuls les geignards professionnels auront le tort de confondre le personnage et le cinéaste. Lars von Trier s’amuse de son anti-héros et de sa propre oeuvre. Verge, le confesseur antique de Jack, ne cesse de se moquer de son narcissisme, de son maniérisme, de ses pseudo alibis culturels, de ses rêves de grandeur. À la figure du nihilisme le plus destructeur qu’incarne Jack, Verge lui répond en tant que son adversaire humaniste, celui qui, tout en l’entraînant aux gouffres infernaux, lui fait prendre conscience de ses péchés.

 

Si parmi la kyrielle de références (William Blake, Dante, Delacroix, Glenn Gould, Virgile, David Bowie, le surréalisme…) on pense inévitablement à l’ouvrage de Thomas de Quincey, De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts (1827), c’est à son Mangeur d’opium (1822) que fait songer la dernière partie du film, enchaînement de fascinants tableaux pandémoniaques ne laissant aucun doute sur le sort funeste réservé à Jack, ce « pathétique architecte raté » passé de la chambre froide du crime au neuvième cercle de l’enfer : « J’avais chaque nuit l’impression de descendre, non au sens métaphorique, mais de descendre littéralement, dans des gouffres et des abîmes sans soleil, des profondeurs infinis desquelles mon éventuelle remontée semblait désespérée. »

 

Sylvain Métafiot

samedi, 14 février 2015

Il est difficile d'être un dieu

 

S'il est difficile d'être un dieu il est d'autant plus ardu d'écrire sur une œuvre dont l'histoire obscure invite à la glose infinie mais qui happe surtout par une puissance visuelle aussi sublime que répugnante.

 

À l'image du Faust d'Alexander Sokurov le film d'Alexeï Guerman est une danse infernale éprouvante dans laquelle s'entrechoque les corps sales, puants et dégoulinants d'une cour des miracles d'un autre monde illustrant « à merveille » notre propre enfer médiéval.

 

Ainsi, c'est aux visions diaboliques de Bosch et de Brueghel que cet univers de folie fangeuse fait songer...

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Le Christ aux Limbes

 

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Le jardin des délices (détail)

 

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La Dulle Griet

 

Sylvain Métafiot

mardi, 24 septembre 2013

Leviathan, l'océan de ténèbres

 

 

31. Il fait bouillir le fond de la mer comme une chaudière, Il l'agite comme un vase rempli de parfums.

 

32. Il laisse après lui un sentier lumineux ; L'abîme prend la chevelure d'un vieillard.

 

33. Sur la terre nul n'est son maître ; Il a été créé pour ne rien craindre.

 

Job - 41


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Sylvain Métafiot

lundi, 22 juillet 2013

Augures d'innocence

 

« Voir le monde en un grain de sable,

Un ciel en une fleur des champs,

Retenir l’infini dans la paume des mains

Et l’éternité dans une heure.

 

Rouge-gorge mis en cage,

Voilà tout le ciel en rage.

Un colombier plein de colombes et de ramiers

Fait frissonner l’enfer en tous ses ateliers.

 

Un chien qui meurt au seuil de la maison du maître

Prononce que l’Etat bientôt va disparaître.

Cheval frappé sur le chemin

Réclame du sang humain.

A chaque cri plaintif du lièvre que l’on chasse

C’est un fil de la cervelle qui casse.

Alouette à l’aile blessée

Un chérubin cesse de chanter.

Le coq dressé pour le combat,

Fait du soleil levant l’effroi.

Tout hurlement de loup, de lion sur la terre

Réveille une âme et la retire hors de l’enfer.

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Le cerf errant par les taillis

Tient l’âme humaine hors du souci.

L’agneau prétexte du pêché

Pardonne au couteau du boucher.

 

Chauve-souris volant lorsque tombe le soir

Fuit l’esprit de celui qui n’a pas voulu croire.

La chouette, dans la nuit, en appelant

Dit la frayeur des mécréants.

As-tu blessé le roitelet ?

Hommes ne t’aimeront jamais.

 

Qui a mis le bœuf en courroux

De femme n’aura les yeux doux.

L’enfant cruel qui tue la mouche,

L’araignée lui sera farouche.

Qui tourmente du hanneton l’esprit

Tisse une charmille en fin de nuit.

La chenille sur la feuille

Redit de ta mère le deuil.

Ne tue papillon ni phalène

Crainte qu’à Jugement ne viennes.

 

Qui pour la guerre un cheval dressera

Barre du Pôle jamais ne passera.

Le chien du mendiant, le chat de la veuve,

Nourris-les, tu feras peau neuve.

La mouche qui, chantant l’été, bourdonne

La calomnie vous l’empoisonne.

Poison de vipère et d’orvet

Sous le pas d’Envie il se fait.

Le poison tueur de l’abeille,

L’artiste jaloux le réveille

Les vêtements royaux, les hardes du mendiant

Prolifèrent dans le bagage de l’avare.

Vérité dite à fin méchante

Bat tout mensonge que tu inventes.

 

Il est bien qu’ainsi tout se fonde :

Pour joie et peine homme fut fait,

Et quand nous savons bien que c’est,

Nous allons saufs de par le monde.

Joie et peine en fin tissage

Habit pour l’Ame divin,

Sous chaque dol et chagrin

Court un fil de soie et de joie.

Plus est l’enfant que son maillot

Chez l’homme, par monts et par vaux.

On fait l’outil, naissent nos mains,

Un fermier comprend ça très bien.

 

Chaque larme d’un œil tombé

Devient un enfant dans l’éternité

Le recueillent des femmes claires

Et le rendent à sa lumière.

Qu’il aboie ou mugisse ou rugisse ou qu’il bêle,

C’est le Flot qui vient battre le rivage du ciel.

L’enfant criant sous le bâton

Inscrit vengeance chez Pluton.

Les loques de pauvre qui flottent au vent

Disloquent les cieux à chaque moment.

Soldat qui prend l’épée et le fusil,

Pour le soleil de l’été paralysie.

Le sou du pauvre a plus de prix

Que tout l’or des côtes d’Afrique.

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Pris des mains du travailleur un seul liard

Achète et vend les terres de l’avare ;

Mais si le vol est d’en haut garanti,

Il vendra et achètera tout ce pays.

Qui rit de la foi d’un enfant

Sera moqué, vieillard, mourant.

Qui enseigne à l’enfant le doute

Hors du tombeau pourri ne trouvera sa route.

Qui respecte la foi de l’enfant,

D’enfer et de mort sera triomphant.

L’enfant a ses jouets, le vieillard sa raisons,

Ce sont les fruits des deux saisons.

Le questionneur assis, avec l’air si malin,

Ignorera quelle est la réponse, sans fin.

Qui répond au doute bavard

Souffle la lumière du savoir.

Le plus fort poison jamais essayé

Vient de César et sa couronne de laurier.

Rien ne défait l’humaine nature

Si bien que le fer des armures.

Quand d’or et de joyaux la charrue s’ornera

L’envie devant les arts de paix s’inclinera.

Enigme, ou chant du grillon

Est au doute un bon répons.

Un pouce pour la fourmi, c’est pour l’aigle une lieue,

Ca prête à rire au philosophe boiteux.

Qui va doutant de ce qu’il voit

Ne croira en ce que tu fais, quoi que ce soit.

Soleil et lune, s’ils entraient jamais en doute,

Ils sortiraient aussitôt de leur route.

En passion tu peux bien faire,

Passion en toi, elle te perd.

Sous licence d’Etat le joueur, la putain,

Pour cette nation bâtissent un destin.

Le cri des filles, de seuil en seuil,

A la vieille Angleterre va tisser son linceul.

Hurrahs et jurons de qui gagne ou perd

Conduisent les funérailles de l’Angleterre.

Chaque soir, chaque matin,

Tels naissent pour le chagrin.

Chaque matin, chaque soir,

Tels pour délices d’espoir.

Tels naissent pour les délices,

Tels pour nuit qui ne finisse.

 

Un mensonge tu peux le croire

Tant que tu ne vois pas plus loin que ton regard.

Qui naquit une nuit, pour périr une  nuit

Quand aux rayons du Jour l’âme était endormie.

 

Dieu apparaît, Dieu est lumière

Aux âmes ayant en la nuit repaire,

Mais il montre une forme d’homme
A ceux qui dans le Jour ont leur royaume. »


William Blake, in Chansons et mythes : poèmes choisis

 

Sylvain Métafiot

mercredi, 23 janvier 2013

Débarquement de galériens


 

Putain, ils l'ont fait ! Ils ont réussis le tour de force d'être encore plus affligeants qu'Anne Roumanoff et Dany Boon réunis. Qui ? Mais la joyeuse bande du « Grand Débarquement » (Jean Dujardin, Guillaume Canet, Gilles Lellouche et Marion Cotillard), la nouvelle émission de Canal+, avec le sketch le plus lolilesque du monde : « L'ours ».

L'humour made in Canal + débarque ? Accueillons-le à la Maschinengewehr 42 !

 

(Ecoute ça pendant ta lecture, ça met dans l’ambiance.)

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