samedi, 07 septembre 2013
I Wish, l'éruption d'un miracle
Article initialement paru sur RAGEMAG
Sur l'île de Kyushu, au Japon, Koichi, petit garçon de 12 ans vit à Kagoshima avec sa mère et ses grands-parents, tandis que son frère Ryûnosuke vit avec son père dans un village du nord de l'île. Attristés par ce divorce, les enfants décident de se rendre au lieu où les deux premiers trains du Shinkansen se croiseront pour y exaucer le vœu de réunir leur famille. Paradoxe émouvant : c'est au sommet de la technologie, qui restreint de plus en plus notre liberté, que le miracle pourra se réaliser. En arrière-plan, un autre sommet gronde : le volcan Sakurajima.
Le dieu de la légèreté et de la grâce a touché ce film du doigt. Un dieu dansant qui a insufflé une énergie et une volonté indémontables à ces enfants agacés par l'apathie des adultes : la scène où Ryûnosuke fait la leçon à son père, bras et jambes croisées, l'air fier et autoritaire, est à la fois drôle et révélatrice d'un monde où les adultes fuient leurs responsabilités. La lucidité des cruautés de la vie est pourtant contrebalancée par une détermination et une espérance que même les plus âgés respectent et admirent. Quelle fougue, ces gosses ! Voir ces petits débrouillards élaborer minutieusement leur plan est proprement jubilatoire.
La grâce du film c'est aussi cette mélancolie estivale quelque peu caractéristique des productions japonaises : on songe à la famille atypique de The Taste of Tea de Katsuhito Ishii, à la plupart des films de Takeshi Kitano (Sonatine, L'été de Kikujiro, A Scene at the sea), ou, plus traumatisant, aux grillons perpétuels de la série Evangelion. Devant ces films, on expérimente le « bonheur d'être triste » selon la belle définition de Victor Hugo. Le quotidien de Koichi et de Ryûnosuke est ainsi sublimé par la poursuite d'un bonheur idéal, mais une poursuite à l'allure d'une marche joviale.
Le sourire aux oreilles et l’œil humide, le vent chaud et calme de l'été caresse délicatement les tourments et les peines des personnages. Rien d'excessif ni de grandiloquent mais des regards, des gestes, de brefs instants de rire ou de tristesse qui, davantage que la mélancolie, nous procurent ce sublime sentiment qu'est la joie. Koichi exprime ainsi le vœu secret que le monde ne soit pas détruit, qu'il nous survive, qu'on l'aime avec – et non pas malgré – ses pires et ses meilleurs aspects. Nul niaiserie béate et cotonneuse pour autant : le désenchantement fait partie du voyage mais ne donne pas raison aux résignés raisonnables du monde moderne.
I Wish c'est une aventure enfantine qui fait pleurer les grands, hantés par les réminiscences fugaces d'une quête aussi belle que titanesque (l'union dans l'amour), en enserrant leurs cœurs vides de rêves.
Sylvain Métafiot
"I Wish, l'éruption d'un miracle", article publié sur RAGEMAG, 07/08/2013, URL : http://ragemag.fr/cinema-la-selection-dete-de-la-redactio...
19:03 Publié dans Cinéma | Tags : i wish, l'éruption d'un miracle, ragemag, sylvain métafiot, cinéma, japon, merveille, koichi, enfants, kagoshima, shinkansen, sakurajima, ryûnosuke, dieu de la légèreté, fougue, jubilatoire, evangelion, the taste of tea, sonatine, kitano, désenchantement, aventure enfantine, coeurs, rêves, 2011, hirokazu kore-eda | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 31 décembre 2012
Cimes cinéphiliques 2012
Un classement complètement subjectif, parfaitement arbitraire et, ma foi, sans grande utilité si ce n’est de jeter furtivement un regard en arrière sur cette année riche en œuvres magnifiques… mais aussi en beaux navets bien frais.
Sachant que je n’ai pas encore vu 4h44 d’Abel Ferrara et, qu’à mon humble avis, il s’immiscerait insidieusement dans cette liste.
Les liens renvoient soit à mes propres articles soit à ceux de bien plus estimables camarades de la Toile. (cliquez sur les affiches pour voir les bandes annonces)
Au sommet cette année
1) Take Shelter de Jeff Nichols : apocalypse anxiogiène et salvatrice
2) I wish d’Hirokazu Kore-Eda : mélancolie estivale
3) Oslo, 31 aout de Joachim Trier : limbes désespérées
4) Holy Motors de Leos Carax : libre !
5) Faust d’Alexandre Sokourov : enfer corporel
6) Le Sommeil d’or de Davy Chou : rêves intemporels
7) Les enfants de Belleville d’Asghar Farhadi : singularitées contre société
8) Moonrise Kingdom de Wes Anderson : amour aventureux
9) Une famille respectable de Massoud Bakhshi : chute de l'empire persan
10) Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais : magie !
17:34 Publié dans Cinéma | Tags : cimes cinéphiliques 2012, cinéma, top, flop, déceptions, occasions manquées, merveilles des merveilles, sylvain métafiot, critiques, take shelter, i wish, oslo, 31 aout, holy motors, faust, le sommeil d'or, les enfants de belleville, moonrise kingdom, une famille respectable, vous n'avez encore rien vu, amour, the detachment, prometheus, bellflower, de rouille et d'os, shame, chronicle, sherlock holmes, 2 days in new-york, argo, le carosse d'or, sciuscia, les enfants du paradis, le quai des brumes, les misérables, jack torrance, shinning, kubrick, guilty of romance de sono sion, duch, le maître des forges de l’enfer de rithy panh, tabou de miguel gomez, j. edgar de clint eastwood, augustine de alice winocour, les adieux à la reine de benoît jacquot, kill list de ben weathley, killer joe de william friedkin, la vie sans principe de johnnie to, les hauts de hurlevents de andréa arnold, la part des anges de ken loach | Lien permanent | Commentaires (10)