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jeudi, 14 avril 2016

L’archipel des fictions utopiques

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Article initialement publié sur Le Comptoir

 

De la Renaissance au XXe siècle, l’évolution de la pensée politique a déplacé le sens originel du mot utopie” – qui désignait le titre d’une œuvre littéraire – jusqu’au sens actuel où le terme est plus ou moins confondu avec celui d’idéal et/ou de société totalitaire. L’utopie est pourtant un genre bien spécifique, qui ne se confond pas avec les autres formes de productions imaginaires auquel il est souvent assimilé. Voyageons au sein de ces insularités fictionnelles.

 

Ayant souvent été considérée comme un programme politique (ce qui est vrai chez certains socialistes utopistes du XIXesiècle, comme Étienne Cabet ou Charles Fourier), l’utopie demeure essentiellement une construction fictionnelle formant un réticule d’enchevêtrement imaginaire : eunomies, uchronies, contre-utopies, etc.

 

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mardi, 26 mai 2009

L’Université : amour du savoir et anti-compétitivité

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Je ne me retiens pas. Après plusieurs mois d'une lutte acharnée (qui n'est pas près de finir) des enseignants-chercheurs et des étudiants contre les réformes gouvernementales (voir l'article http://www.mapausecafe.net/archive/2009/02/11/sarko-le-py... ), l'édito de Bernard Maris (alias l'économiste Oncle Bernard pour les habitués) dans Charlie Hebdo (20.05.2009) fut tellement jouissant à lire (aussi bien que ceux du regretté Philippe Val) que je ne résiste pas, donc, à vous le livrer dans son intégralité. Cela dénote, encore une fois, une certaine flemmardise de ma part, j'en suis conscient (quoiqu'il faut se le retaper en entier le texte, hé !). Régalez-vous donc : « Etudiants, jouissez de la fac, profs, faites votre nuit du 4 août ! »

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samedi, 31 janvier 2009

Les sciences sociales selon Foucault

 

fou_af_290308.jpgMichel Foucault (1926-1984), à travers des ouvrages tels que Les mots et les choses ; L’archéologie du savoir ; Michel Foucault un parcours philosophique, disait que la science de l’homme était récente et fragile et pouvait disparaître rapidement. Il voulait faire une archéologie des sciences humaines. Celles-ci étant les ancêtres des sciences sociales. Il proposa un découpage de l’ère intellectuelle en trois périodes :

 

La renaissance (jusqu’au XVIème siècle)
Avant la renaissance, la conscience culturelle n’est pas compatible avec le libre exercice d’un savoir qui ferait de l’homme son objet et son sujet. Il y a la domination du schéma de l’astrologie biologie : dans cette représentation du monde, les relations entre les hommes sont considérées comme inférieures en dignité car ce qui explique nos conduites c’est l’influence transcendante des astres-dieux. On estimait que les astres déterminaient et régissaient la totalité des phénomènes sur Terre. L’astrologie et la culture chrétienne médiévale étaient très influentes : seul un dieu créateur régissait les comportements des hommes. Jusqu’à la renaissance c’est ce type de savoir qui domine.
Si on considère ce genre de théories ce n’est pas la peine de faire de la science, il suffit juste d’étudier les textes sacrés et chercher les réponses dedans. Une vie bonne c’était l’obéissance à une divinité. L’idée d’étudier l’homme comme objet était inexistant.
A partir du XIVème siècle, il y a une évolution des représentations, grâce aux intellectuels et aux savants. Les travaux de Galilée introduisent un schéma de connaissance rigoureux. C’est l’amorce d’un changement d’esprit. Erasme et Montaigne ont développé l’idée de la personnalité : elle peut se travailler (voire Les essais). On retrouve un rapport de l’homme à lui-même, ce qui était déjà présent chez les Stoïciens. La personnalité est digne d’un travail de soi sur soi. L’homme s’autonomise et devient pertinent comme objet de travail.

 

L’âge classique (du XVIème au XVIIIème siècle)
L’être humain ne se considère pas encore comme créateur. Le monde à une existence autonome et ne dépend pas de l’homme. Mais, il y a une nouvelle conception intellectuelle de lui. Il doit clarifier les choses, expliquer l’ordre du monde avec des concepts clairs et certains. L’objectif des élites est de décrire le monde : classer et distinguer les espèces vivantes. René Descartes était l’emblème de cette recherche de la certitude, notamment avec le cogito (« je pense donc je suis »). Ceux qui pensent doivent décrire et organiser un tableau du monde. Mais le sens du monde est considéré comme en-soi, il échappe encore à l’humain. On recherche l’ordre intellectuel, la certitude, mais l’homme n’est pas encore un objet d’étude.

 

Kant.jpgLa venue de l’homme (fin du XVIIIème et début du XIXème siècle)
Grâce à Emmanuel Kant, qui introduit des questions nouvelles, on s’interroge sur les limites de la connaissance. Qu’est-ce que notre esprit peut connaître ? Pour Foucault c’est un bouleversement car l’homme gagne en dignité et en légitimité. L’homme se pense comme le sujet de toute connaissance possible. Nous n’allons pas vers le monde pour le saisir, mais notre esprit le construit grâce à des capacités innées. L’homme devient objet de connaissance. Selon Foucault, « l’homme devient la mesure de toute chose ». De plus en plus de gens abandonnent l’idée que l’homme n’est pas un être parmi les êtres mais un sujet parmi les objets et que le monde n’a pas été crée par Dieu. C’est là que commence réellement la modernité. Ce mouvement intellectuel, issu de l’humanisme, atteint sa maturité au XIXème siècle grâce à l’avènement de la philologie (étude historique des textes, des œuvres de l’esprit). On va étudier ces œuvres de plusieurs points de vue en essayant de dégager la personnalité de leurs auteurs ainsi que les caractéristiques du monde où ils vivaient. La philologie porte un projet rationaliste émancipateur face au pouvoir religieux et coutumier. Certains, comme Taylor ou Touraine, ont affirmé que la modernité c’est la Raison, l’individu et la démocratie. C’est l’idée qu’avec des individus doués de raison, il est possible de construire un espace public dans lequel va émerger du débat, une confrontation d’arguments et de contre arguments, des concepts rationnels, bref une démocratie. Mais il faut s’émanciper de l’autorité et de la communauté. Il faut de l’individualité s’échappant du poids des coutumes.

 

Cette volonté de rendre l’homme à lui-même par la connaissance, c’est toujours le projet des sciences sociales. Il s’agit toujours de rendre compte des pratiques et des relations sociales sans chercher des explications autres que terrestre (transcendance, religion). Emile Durkheim avait une démarche positive consistant à expliquer le social par le social. Expliquer les faits sociaux comme s’ils étaient des choses. Touraine disait que « faire de la sociologie, c’est renoncer aux garants méta sociaux ».

Cette culture humaniste va se développer lors de grands bouleversements : développement industriel, multiplication des échanges commerciaux, conflits politiques. C’est à partir de là qu’émergent les sciences sociales. En 1890, Renan disait qu’au moment même où les sciences philologiques ont atteint leur maturité elles se détruisent au profit des sciences sociales et politiques. La philologie était incapable de traiter certaines questions posées par les bouleversements de la société, telles que : qu’est-ce qui fonde le lien social ? Qui doit détenir le pouvoir ? Comment doit être organisé la société ? Comment concilier des valeurs sacrées avec la réalité socio-économique ? Quel va être l’évolution future des sociétés occidentales ?
Par un mouvement logique, le domaine des sciences humaines s’est élargi. On ne peut plus réfléchir au sujet humain sans comprendre comment ce sujet évolue au gré des bouleversements économiques, sociaux, politiques et culturels. Le passage de relais entre science humaine et science sociale avait été anticipé par certains : Goethe estimait que « la vocation du commerce et des affaires est comparable à la vocation des arts et des lettres ».


A suivre…

 

Sylvain Métafiot