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mercredi, 11 février 2009

Sarko le pyromane et l’université de paille

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A l’heure actuelle, le monde universitaire (une cinquantaine de facs) est mobilisé collectivement en organisant des manifestations toutes les semaines ainsi que des assemblées générale dans les facs, des débats, des projections, des rencontres, etc. au sein de journées banalisées. La ministre de la Recherche, Valérie Pécresse fait l’unanimité contre elle, comme Xavier Darcos (ministre de l’Education) face aux professeurs de droite du secondaire… Pourquoi un tel mouvement, légitime et démocratique, a-t-il pris une telle ampleur ?


Dans cette salutaire mobilisation on trouve, à gauche : le syndicat majoritaire Snesup, le mouvement Sauvons la recherche, les syndicats étudiants Unef, FSE, Sud, etc. le mouvement sauvons l’université. Mais aussi à droite : le syndicat autonome Sup et Défense de l’université, la coordination des profs de droit basée à la fac d’Assas. Des facs comme Lyon 3 ou l’IEP d’Aix-en-Provence ont également voté la grève, parfois pour la première fois de leur histoire !


La mobilisation de l’Université, de même que les puissantes manifestations du 29 janvier (1,5 millions de manifestants environ… 42 selon la police) se dressent contre la politique menée par Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon contre la jeunesse et les salariés. Le 22 janvier, la première coordination nationale des universités a appelé, d’une seule et unique voix, à une « grève totale, reconductible et illimitée » et elle a fixé les objectifs suivants : le retrait du décret sur le statut des enseignants-chercheurs, et le retrait du projet de « mastérisation » des concours de recrutement des enseignants du premier et du second degré.


Ce décret Pécresse brise le statu national des 57 000 enseignants-chercheurs et les met aux ordres des tout puissants présidents d’université. Ces derniers pourront décider pour chaque enseignant-chercheur s’il a le droit de faire de la recherche, et dans quelle proportion de son service. La vocation du double statut d’enseignant-chercheur est de transmettre aux étudiants un savoir nourri par la recherche. Une modification de décret instaure l’enseignement comme une punition des « mauvais chercheurs ». Cette « modulation » cache une augmentation massive de la charge d’enseignement, qui n’ira ni dans le sens d’une amélioration de la qualité des cours, ni du recrutement de jeunes docteurs. Les services d’enseignements décidés localement ouvrent la voie à l’arbitraire et au clientélisme. L’indépendance est pourtant indispensable à une recherche fondamentale créative ! Avant on estimait qu’un chercheur en physique des particules était évalué par l’ensemble de ses pairs de sa discipline ; désormais ce sera le président d’université qui jugera « scientifiquement » de la qualité de ces recherches… Ce décret est une des applications de la loi de 2007 relative aux Libertés et aux Responsabilités des Universités (LRU) contre laquelle s’étaient déjà soulevés les étudiants. La ministre le confirme : « Le décret se situe dans la continuité de la loi sur l’autonomie » et il « est indispensable » car « l’autonomie ne va pas sans la gestion des personnels. »

 

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Autre réforme inacceptable : les enseignants du primaire et du secondaire seraient, dès 2009, recrutés à bac+5. Un étudiant devra donc financer une ou deux années d’étude de plus avant de pouvoir passer des concours. Lors de ces concours, l’oral deviendra l’essentiel. Il ressemblera à un véritable entretien d’embauche. S’il réussit, l’étudiant ira aussitôt enseigner à temps plein. S’il échoue, l’étudiant pourra, avec ce nouveau master, être recruté comme précaire par les chefs d’établissement. Ensuite, cette embauche directe par les chefs d’établissement sera généralisée à tous les enseignants « titulaires ». L’année de stage rémunérée en lycée au cours de laquelle les apprentis enseignants se forment à la pédagogie est donc supprimée. Quelle chance d’être largué dans une ZEP (au hasard) sans aucune formation adaptée préalable…


Cette réforme découle directement elle aussi de la LRU, tout comme le plan campus, la réforme des licences, le plan carrière, la réforme allocation des moyens des universités, le nouveau contrat des doctorants, le démantèlement des organisations de recherche, etc. Cette loi, organise la concurrence générale entre les universités. Elle soumet leur financement aux « résultats » exigés par le gouvernement.
Sarkozy et Pécresse souhaitent également crées des pôles de compétitivité, démanteler les organismes publics de recherche (CNRS, INSERM…), de plus en plus soumis à l’agence nationale de la recherche (ANR), poussés par la même volonté de généraliser la concurrence (entre les étudiants, entre les personnels, entre les laboratoires). Il en résulte la dislocation du statut des chercheurs, alors que se développent les contrats de plus en plus précaires (notamment avec le futur contrat doctoral unique).


Pendant les années De Gaulle, comme pendant les années Mendès, la recherche représentait plus de 3 % du PIB de la France. Aujourd’hui on est tombé à 2 %. Ce n’est pas « la faute des chercheurs », au contraire : la France est au 6e rang des pays de l’OCDE pour les publications, alors qu’elle est seulement 16e pour le financement de la recherche par habitant.

 

 


Parmi les gros problèmes concrets (mais découlant d’idéologies discriminantes) : les crédits alloués aux universités et aux grandes écoles. Ils sont largement inégalitaires : dans les premières on manque parfois de chaises pour s’asseoir, des salles de cours prennent l’eau, le matériel est vétuste ou carrément obsolète, les chargés de cours (futurs doctorants) sont payés au lance-pierre, etc. Dans les secondes, un élève coûte environ 10 000 euros par an. Dix fois moins pour un élève de fac. Une formation de notre jeunesse à deux vitesses ! Par ailleurs plus de 23 000 postes ont été détruits en deux ans, et Sarkozy veut en fermer 80 000 en cinq ans. Pour l’année 2009 ce sont 900 postes qui seront supprimés. Les universités manquent de profs et de personnels mais on s’en tamponne le coquillard…


L’université a besoin de réformes ? C’est évident ! Les enseignants et les étudiants ne refusent pas systématiquement toutes réformes touchant à l’éducation supérieure, seulement les mauvaises réformes ! On constate une baisse de la qualité du service public d’éducation et de recherche, la perspective d’augmentation des droits d’inscriptions à l’université ainsi que la dépendance accrue vis-à-vis d’hypothétiques financements extérieurs (régions, entreprises…). Ils ne sont pas non plus « manipulés par des bandes de gauchistes » comme aime à répéter la majorité gouvernementale ainsi que les intellectuels de l’UNI, le seul syndicat étudiant de droite. (Même si la stupidité de certains « gauchistes » est à pleurer…). Prendre des bac+8 et futurs bac+5 pour des crétins, c’est le comble. Mais la bande à Sarko semble se complaire dans la bêtise. Encore une fois.

 

Sylvain Métafiot


Sources :

http://alteruniversite.wordpress.com/


www.solidariteetprogres.org


www.revoltes-presse.fr


Le Canard Enchaîné (04/02/2009)

 

Commentaires

 

Je suis d'accord avec ton article Sylvain, je trouve après en avoir discuté avec toi ce week end mais aussi après m'être mieux informé sur ce mouvement que ces réformes sont abusives et détruisent notre système.
Par ailleurs je suis aussi un partisan du "réformons le mamouth" franchement il y a beaucoup de dérives et un manque énorme de moyens et une présidence universitaire qui se prend pour un président de la république....
il faut plus de moyens, plus de profs, ou alors moins d'étudiants ? du moins pas dans les mêmes sections par exemple : il y a 10 ans de ça, un étudiant pouvait être fort en allemand, l'apprendre, avoir des profs etc... et être diplômé en allemand ! Aujourd'hui ? cela lui est sans doute inutile vu que l'on a besoin d'environ un prof et demi d'allemand pour toute la France !
Peut etre devons nous mettre l'université française en phase avec le vrai monde du travail... mettre plus de stages obligatoires, plus de professionnels mais qui ne viennent pas à la fac comme à un certain iup de ma connaissance juste pour se remplir les fouilles non des profs motivés qui veulent apprendre des choses aux gens !
Ensuite peut être faudrait il revoir aussi la gestion des cours, comment accepter qu'un étudiant à la fac ne se tape que 15 heures de cours par semaines et lui dire plus tard tu travaillera 35... peut etre faut il également revoir la notion en elle même de fac, un cours en amphi est il réellement productif ? ne devrions nous pas revoir les effectifs et à défaut la sélection, quand on sait aujourd'hui que n'importe quel benet (et j'en fais sans doute partie) peut arriver à Bac + 5, pas étonnant que les entreprises privilégient les élèves ayant fait une école privée (commerce,institut d'études politiques, archi,ingénieurs, pub etc...).... il y a une sélection financière certes (bien que tous ne peuvent pas autofinancer leurs écoles : donc emprunts et autres) mais aussi par les concours qui permet de donner à un diplôme une vraie saveur... bien qu'avoir un bac + 5 en France aujourd'hui est utile, et nécessaire, pourquoi demander un diplôme de bac + 3 pour être assistant de secrétaire ou autre... les entreprises ont bien compris qu'aujourd'hui tout le monde peut arriver à un niveau moyen ou fort...
il faudrait aussi revoir la place des langues, et les séjours à l'étranger obligatoires pour que certains s'aèrent l'esprit et voit du pays un petit peu, après tout que faisons nous de l'adage : les voyages forment la jeunesse !
pour la recherche n'empêche même si elle diminuait ce qu'on oubliait c'est que deux % du Pib de 1958 ne vaut sans doute pas en valeur le 1% d'aujourd'hui !
Bref, il y a énormement à faire, dommage que l'on ai jamais eu un ministre digne de ce nom et digne de vouloir faire la bonne réforme ... oui il faut que les entreprises viennent un peu voir ce qu'il se passe dans les universités, non il ne faut pas qu'elles en prennent le contrôle !
Oui il faut de la recherche ! non il ne faut pas 50000000 doctorant par an !

il faut faire beaucoup, mais avec peu de moyens, n'empêche j'ai l'impression que plus ça va y aller et plus les réformes vont être difficiles, ne vaudrait il mieux pas accepter celle ci qu'attendre la prochaine qui risque d'être pire !
le problème c'est que forcément la réforme ne passera pas, mais jusqu'à 2012, il n'y aura rien d'autre de proposé, et un jour ou l'autre on sera obligé de réformer contre ou avec le soutien des étudiants ! Pour moi, il faudrait avant tout une "giga" proposition de la part de tous les personnels, voté démocratiquement et avec l'accord des élèves etc.... mais c'est impossible...

 

Une contribution de plus au débat, sur la recherche plus précisément.

Le témoignage de Pierre Joliot, professeur honoraire au Collège de France et ancien titulaire de la chaire de Bioénergétique cellulaire. Extrait de L’avenir de la recherche, la recherche pour l’avenir :

“(…) Il est bien évident que la recherche appliquée se nourrit des découvertes de la recherche fondamentale, et que la recherche fondamentale ne pourrait pas progresser s’il n’y avait pas les progrès de la recherche appliquée. Donc, ces deux activités sont indissociables, mais sur le plan de la méthode de travail, ce sont deux activités radicalement différentes. Et ceci est très difficile à expliquer, tout particulièrement aux politiques. C’est une notion qui est totalement refusée par les politiques, qui veulent savoir pourquoi ils donnent de l’argent à un certain domaine de recherche. Et néanmoins, si l’on regarde l’histoire des civilisations, on s’aperçoit que les découvertes qui ont eu le plus de conséquences sur le plan des applications sont les découvertes de recherche fondamentale dont les auteurs n’avaient pas la moindre idée des conséquences que pouvaient avoir leurs découvertes (…)

“Il faut savoir qu’il faut maintenir un effort de recherche dans toutes les directions. On ne sait pas quelles sont les disciplines qui portent en elles des espoirs d’application et, parallèlement, il faut pratiquer une recherche appliquée et là, la démarche est totalement différente dans la mesure où on s’appuie sur des connaissances bien établies, sur des concepts bien établies, sur des concepts bien connus, et là, la notion de programmation est tout à fait défendable et justifiable. Je terminerai en disant que j’oppose totalement la pratique de la recherche fondamentale et la pratique de la recherche appliquée, mais je pense qu’il est bon, dans la mesure du possible, que les mêmes chercheurs pratiquent les deux types de recherche. J’ai pratiqué dans ma vie ces deux types de recherche, eh bien, c’était, sur le plan de mon équilibre mental, un facteur de stabilisation (…)

“L’alternance de ces deux formes d’activité m’ont été à la fois très utiles sur le plan de l’efficacité de ma recherche (…) et un facteur de stabilité mentale. Parce que, l’on recherche la créativité, on doit accepter l’échec. On doit accepter de faire beaucoup d’erreurs, et ces erreurs, ces échecs, sont souvent très difficiles à supporter. Donc, d’avoir parallèlement des programmes de recherche appliquée qui sont menés d’une manière plus continue, d’une manière plus contrôlée, m’ont beaucoup aidé, même pour ma recherche fondamentale”.

Source : http://passouline.blog.lemonde.fr/2009/02/15/recherche-ce-que-les-politiques-ne-comprennent-pas/

 

On savait que Sarko n'aimait pas les enseignants en général. En voila une nouvelle preuve, que rapporte le Canard Enchaîné (25.02.2009) :
selon Sarko tous les enseignants sont "à gauche", "toujours en vacances ou en train de manifester". "Ils sont insupportables, infréquentables, haïssables" a-t-il prétendu, l'autre jour, lors d'une réunion sur l'Education. "C'est bien simple. Quand je visite une école, je demande toujours à voir les femmes de ménages et les cantinières et je leur serre la main, car ce sont les seuls gens normaux de l'établissement."

Notre Président adoré progresse dans le respect de ces concitoyens...

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