Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 14 avril 2016

L’archipel des fictions utopiques

The Professor's Dream.jpg

 

Article initialement publié sur Le Comptoir

 

De la Renaissance au XXe siècle, l’évolution de la pensée politique a déplacé le sens originel du mot utopie” – qui désignait le titre d’une œuvre littéraire – jusqu’au sens actuel où le terme est plus ou moins confondu avec celui d’idéal et/ou de société totalitaire. L’utopie est pourtant un genre bien spécifique, qui ne se confond pas avec les autres formes de productions imaginaires auquel il est souvent assimilé. Voyageons au sein de ces insularités fictionnelles.

 

Ayant souvent été considérée comme un programme politique (ce qui est vrai chez certains socialistes utopistes du XIXesiècle, comme Étienne Cabet ou Charles Fourier), l’utopie demeure essentiellement une construction fictionnelle formant un réticule d’enchevêtrement imaginaire : eunomies, uchronies, contre-utopies, etc.

 

eunomies,uchronies,contre-utopies,raymond trousson,l’archipel des fictions utopiques,le comptoir,sylvain métafiot,utopia,thomas more,eutopia,sources,erasme,humanisme,virtuel,michèle madonna-desbazeille,dictionnaire des utopies,platon,hésiode,les travaux et les jours,la république,pays de cocagne,genèse,nouvelle atlantide,francis bacon,fourier,marx,saint-simon,robert owen,l’an 2440 ou rêve s’il en fut jamais,louis sébastien mercier,l’an 330 de la république,maurice spronck,une utopie moderne,herbert george wellsDans D’Utopie et d’Utopistes le philologue Raymond Trousson définit l’utopie comme l’un des modes d’expression de l’imaginaire social en tant que « genre littéraire narratif et descriptif qui peut s’étudier dans ses invariants, dans ses constantes à la fois thématiques et formelles », à différencier de l’« utopisme comme imaginaire social au sens large ». Mais la fiction n’exclut pas la politique car l’utopie narrative est certes un « texte littéraire empruntant la forme du roman, mais avant tout pourvu d’un contenu idéologique ». L’utopie n’est ni un rêve ni une chimère. Elle ne se donne pas sur le mode de l’imaginaire complet : bien que fictive, elle est envisagée comme quelque chose de réalisable, prenant en compte les possibilités infinies de l’intrication entre la nature et la raison humaine. En somme, l’utopie s’inscrit dans le champ du possible et non du virtuel.

Lire la suite

lundi, 08 décembre 2008

Le mutazilisme : la libre pensée islamique

mutazilisme-motazilisme.jpg

 

Le mutazilisme est un courant d’origine politique qui, dans les premiers siècles de l’islam, représenta ce que cette religion connut de plus abouti en matière de liberté de pensée. Condamné comme hérétique (les mutazilites ne croyaient pas au caractère incréé, c’est-à-dire en fait, divin, du Coran !), le mouvement disparut au XIIIe siècle. Il n’est pas excessif de dire que le monde musulman, qui ne connaîtra ni Renaissance ni siècle des Lumières, ne s’en est jamais remis.


Le mutazilisme est un humanisme,
l’un des premiers à être apparu : il donne à la raison (qui est une faculté de penser) et à la liberté (qui est la faculté d’agir) humaines une place et une importance non seulement inconnues dans les autres tendances de l’islam mais même dans la plupart des courants philosophiques et religieux. Contre le fatalisme (« mektoub ! » C’était écrit !), qui fut la tendance dominante en islam, le mutazilisme affirme que l’être humain est responsable de ses actes. Contre la doctrine coranique d’une foi qui suffit seule à sauver, le mutazilisme affirme que le fidèle qui est en état de péché tient le milieu entre la foi et l’infidélité.


C’était beaucoup plus que ce que pouvaient en supporter les docteurs borné de la loi, car l’islam (à l’exception notable du chi’isme) a beau n’avoir eu ni pape, ni clergé, ni église, il a su imposer au cours des siècles ses rigidités et préjugés. Cela brida le savoir encyclopédique de ces libres penseurs.


L’islam des premiers siècles a cultivé aussi bien la plus haute et la plus subtile spéculation philosophique que la plus attentive des recherches empiriques. L’encyclopédisme arabe joua un rôle historique considérable en intégrant une bonne partie de la culture grecque et en la transmettant à l’Europe chrétienne.


Les Arabes utilisent volontiers deux images pour désigner leur entreprise encyclopédique : celle du collier et celle du jardin. La métaphore du collier renvoie à l’idée de liaison entre les sciences ainsi qu’à celle du cercle. Comme les perles qu’un fil relie, les parties du savoir sont liées entre elles et, comme dans un collier, la première perle peut être aussi la dernière, le commencement du savoir coïncide avec sa fin. Dans le Collier d’Ibn Abd Rabbih, les 25 chapitres portent le nom de pierres précieuses. L’encyclopédie est aussi conçue comme un jardin des sciences. De la même façon que le jardin, avec ses plantes, son ordonnance et ses fontaines, représente en miniature l’univers entier, l’encyclopédie est la mise en ordre par les mots de cet univers.


Cela dit, les plus belles pensées, comme les plus belles œuvres de la culture musulmane (Les Mille et une Nuits, par exemple) sont volontiers nées contre plutôt qu’avec l’islam, malgré lui plutôt que grâce à lui. Les mutazilites en sont l’exemple le plus tragique.

 

Sylvain Métafiot