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jeudi, 26 avril 2012

De l’art de tailler des costards

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«  Le désir de faire de la politique est habituellement le signe d’une sorte de désordre de la personnalité, et ce sont précisément ceux qui ambitionnent le plus ardemment le pouvoir qui devraient en être tenus le plus soigneusement à l’écart. »

Arthur Koestler

 

Cela n’aura échappé à personne : la campagne présidentielle est sur le point de s’achever ! Et Dieu sait que durant ce genre de période d’excitation médiatique les livres politiques font flores. Qu’ils soient écrits de la main des candidats (rare) ou de celle de nègres[1] enchaînés dans les caves des QG de campagne (fréquent) la qualité littéraire est toujours la grande perdante de cette soudaine effervescence rédactionnelle. Il n’y a qu’à voir les titres desdits ouvrages pour préjuger du massacre : Changer de destin, Pour que vive la France, Le printemps français, Sans tricher, etc. On baille rien qu’à les énumérer. Cela pour dire que les croquis politiques proposés dans le dernier livre de Philippe Meyer, Sanguines, ne sont pas du même tonneau. Oh que non ! Vous n’allez pas vous ennuyer en attendant le second tour.



[1] N’appelez pas SOS racisme, il s’agit du terme adéquat, datant du XVIIIe siècle et homologué par l’Académie française, pour désigner l’auteur anonyme d’un livre signé par un autre. Si vous êtes chatouilleux vous pouvez toujours employer le terme « prête-plume », plus élégant, ou celui de « ghost-writer » carrément plus classe.


L’ouvrage du toutologue chroniqueur nous dresse le portrait de douze personnalités remarquées (et pas forcément remarquables) du champ politique français avec férocité, intelligence, mais surtout avec un humour raffiné que l’on reconnaîtrait entre mille. La bonhommie avec laquelle l’auteur décrit ces tristes sirs est contagieuse : en parcourant les pages on a la sensation d’entendre sa voix joviale et grave nous conter le spectacle navrant du show-politique. Parce qu’il est attaché à la politique (il est producteur et animateur de « L’esprit public » sur France Culture), la vraie, pas celle des communicants souhaitant la réduire à une branche du marketing, il tire à vue sur le ridicule médiatique des puissants gouvernants (et ceux aspirant à l’être). Un ridicule qui nivelle par le bas le débat démocratique et donne raison à l’appréciation de Koestler. Meyer porte la plume dans la plaie politique avec acuité et précision et nous offre un salutaire rafraichissement mémoriel. Comme le disait Samuel Johnson : « Les peuples n’ont pas besoin qu’on leur fasse la morale, ils ont besoin qu’on leur rafraîchisse la mémoire ».


Petit panorama et morceaux choisis.

 

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Sarkozy donne l’impression « d’un chef d’Etat capricant et capricieux, irréfléchi et emporté, irascible et fébrile. L’incarnation en politique de ce personnage trépidant du « Manège enchanté » baptisé Zébulon, monté sur un ressort […] Qui d’autre que Nicolas Sarkozy, partant pour une retraite spirituelle dans un monastère, se retrouverait sur le pont d’un yacht de 60 mètres estimé à 7,5 millions d’euros ? »


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Villepin, « le sous-lieutenant Fracasse », « se sert des mots comme d’autres de talonnettes. Il les accumule, les superpose, les étage, les cimente d’adjectifs, se hisse à leur sommet et contemple le monde de leur haut et nous avec (à supposer qu’il nous aperçoive). […] Villepin, c’est du deux en un garanti : le texte est livré avec son propre pastiche. » Incapable que nous sommes de distinguer ses citations de celles du maire de Champignac de Franquin.

 

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Aubry « pratique l’alter exactitude. Elle partage avec Sarkozy une remarquable capacité à croire à ce qu’elle dit au moment où elle le dit et se montre toujours surprise et facilement outrée de se heurter au scepticisme. À peine a-t-elle énoncé une fable qu’elle la tient intimement pour la réalité. C’est une menteresse [car elle] a pour seconde nature de modeler la vérité en fonction de ses besoins et pour réflexe de croire en ses affabulations.» Du fait de sa brutalité et de son autoritarisme, ses camarades socialistes l’affublent de doux surnoms : « la méremptoire », « Titine de fer », « Thatcher de poche » ou « Miss Tapedur ».


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 « Hulot candidat à la présidence de la République ? Et pourquoi pas Geneviève de Fontenay ? Elle aussi, elle est connue à travers l’Hexagone. Elle aussi, elle est appréciée des téléspectateurs. Elle aussi, elle a un look. Et surtout, elle aussi, elle a des valeurs. Et puis Geneviève, voila une oratrice ! […] Je veux bien qu’elle s’habille comme une chaisière qui aurait épousé le marguillier de la paroisse, mais elle cause peuple, et même façon Michel Audiard. […] D’ailleurs, la matrone des Miss France, même en dame d’œuvres, est moins bonnet de nuit que l’animateur d’Ushuaïa avec son air d’être passé sous une gouttière juste après avoir raté l’examen du permis de conduire. »


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« Eva Joly a souvent raison. Eva Joly a presque toujours raison. Eva Joly est certaine d’avoir raison. » Mais elle « ne comprend pas, ne conçoit pas, n’admet pas, et, plus grave pour son avenir politique, ne parviendra sans doute jamais à prendre en compte » le fait qu’un journaliste « qui sait qu’il va lui faire dire ce qu’elle n’a pas dit n’hésite pas à inverser le sens d’une citation en la mutilant, simplement parce que cette inversion viendra renforcer l’image qui colle à la peau de la juge qui venait du froid, celle d’une mère Mac-Miche de l’instruction à charge, obsédée par l’envie de foutre en taule tout ce qui compte dans l’industrie, la finance et la politique. »


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Fillon illustre bien « l’adage chinois qui veut que « l’homme courtois évite de poser le pied sur l’ombre de son voisin ». Fillon habite son quant-à-soi. […] Il ne fait pas visiter son intérieur. De tous les Premiers ministres de la Ve République, il est le seul qui n’ait jamais posé pour une couverture de Paris Match qui, pourtant, l’a sollicité jusqu’à plus soif. » Mais il y a fort à parier qu’un jour « il finira par abandonner sa réserve et se laissera aller à rugir en mettant du désordre dans son impeccable chevelure. »

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« À parcourir la liste, même incomplète, des croisades avortées de Montebourg (« le turlupin de médialand »), de ses batailles aussi valeureuses que celle du Matamore de L’Illusion comique, des ses conquêtes annoncées avant que soit engagé le combat, on serait enclin à penser que ce camelot du moi creuse sa tombe avec la langue. […] Ses défaites, ou plutôt ses nonfaites, ses campagnes sans suite sont autant d’aliments dont il gave sa notoriété. »


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Marine Le Pen, « n’oubliera aucune des avanies qu’elle essuya et qu’elle essuie encore [surtout de la part de son père], les vraies, les exagérées et les imaginaires. Bien plus que dans quelque agglomérat de convictions ou dans quelque décoction idéologique, c’est dans cette image d’elle-même en victime innocente, voire en martyre, qu’elle puise une énergie que ses adversaires ont bien dû finir par lui reconnaître. »


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Copé, « l’affamé du sérail », « est de ceux qui n’ont jamais su ou qui ont volontairement ignoré que « communiquer » est un verbe transitif. Communiquer est pour eux synonyme non de convaincre, mais de faire croire. Ou, quelque fois, d’enfumer. Une partie de la génération entrée en politique au même âge et à la même époque que Copé pense que les élections ne sont qu’affaire de marketing, de cible, de prospect, de packaging, d’accroche, de benchmarkin, de brief, de propale et de tout un tas de trucs et d’astuces baptisés de préférence de noms en anglais des Etats-Unis afin de mieux transparaître leur potentiel d’efficacité, pardon, d’efficience. »


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Mélenchon est un « bon client » des médias. « Le voilà parti à l’assaut des micros et des caméras, faisant alterner dans sa rhétorique les coups de gueule, de colère, de sang, de pied en vache, de pattes, de griffes, de Jarnac, de pied au cul, de poing dans la figure ou de poignard dans le dos. Plus il maltraite les journalistes plus les médias lui en demandent des comptes, lui assurant une présence plus que confortable. Lorsque sa hargne lui est reprochée, il s’en étonne. Il prend la pose et le ton de la victime. […] Mélenchon, qui se conduit avec ses adversaires de la manière exacte dont il s’indigne qu’ils se comportent à son égard, voudrait pouvoir traiter quiconque de tous les noms de son choix… et choisir les injures que les autres lui adressent. […] Mélenchon n’a pas de temps à consacrer à la raison : il est indigné. Des esprits frondeurs iraient jusqu’à s’étonner qu’un homme qui truffe ses propos d’appels à la « révolution citoyenne » et à une démocratie dans laquelle le peuple se mêlerait de tout, partout et tout le temps fasse si peu confiance aux citoyens et au peuple qu’il les voit comme un jouet entre les mains de médias « au service de l’idéologie dominante ». Des esprits forts pourraient se demander si le président du Parti de gauche ne trahirait pas dans ses propos un intérêt pour la brillance des plateaux de télévision bien plus soutenu que celui pour la souffrance sociale qu’il met en avant. […] Que ce soit sur des ruines ou dans un fauteuil doré, Jean-Luc Mélenchon, tel Agénor Fenouillard, aura fait monter les siens dans un train qui ne saurait les conduire nulle part pour l’excellente raison qu’il ne partira jamais. Indignez-vous. Ça n’engage à rien. »


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«  En même temps qu’il construit une crédibilité, qu’il dessine une force tranquille, Hollande a pris soin de marquer qu’il n’a pas tourné que la page de ses années de premier secrétaire. Un régime alimentaire lui modèle une silhouette redessinée, il perd son allure de schtroumpf jovial et brouillon [une bonne humeur qui exaspérait Fabius qui le surnommai « M. Petites Blagues »]. Passionné et connaisseur de football, il accepte de commenter à la radio quelques matches d’une coupe du monde 2010 où la France ne se fait remarquer que par sa désinvolture dans la déconfiture. […] En avançant à son pas au milieu de beaucoup d’incertitudes, Hollande n’a guère d’autres choix que de continuer à régler sa marche sur ce proverbe chinois : « Il faut faire vite ce qui ne presse pas pour pouvoir faire lentement ce qui presse ».


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« Strauss-Kahn ne pourra pas éviter que son ardeur génésique ne soit soumise à examen, commentée, analysée et disséquée. On sait cette ardeur gloutonne ; on la craint insatiable. […] Cette compulsion est la marque d’un orgueilleux, entier, pénétré du sentiment de son irrésistible supériorité, impérieux, avide, et même goinfre. Ce sont, si j’ose dire, des qualités personnelles et privées, et l’on pourrait s’étonner que le citoyen, l’électeur ou l’analyste leur accordent tant d’intérêt si on ne devinait pas qu’elles révèlent un homme qui n’envisage pas d’obstacles entre lui et la satisfaction immédiate de ses appétits, de ses désirs. Pour accéder à a la présidence de la République, l’obstacle s’appelle le peuple. Le peuple désire qu’on l’envisage, c’est là son moindre défaut. »


Plus drôle qu’une primaire socialiste, plus instructif qu’une émission politique, plus percutant qu’un débat d’entre-deux tours, l’ouvrage de Meyer a l’immense mérite de nous remémorer les faits d’armes, de ces homo politicus, ayant rapidement sombrés dans les oubliettes de la mémoire des Français. Cela dit, l’ouvrage étant paru en octobre dernier il manque certaines personnalités au tableau de chasse de l’ami Meyer : pas de trace de Poutou, Arthaud, Dupont-Aignan, Cheminade et même Bayrou. Vous me direz : cela est proportionnel à la place qu’ils occupaient dans les sondages d’intention de vote. Certes, mais on aurait aimé découvrir des portraits à l’acide de l’extrême centriste, du sectaire illuminé ou du révolutionnaire hilare. Gageons que cela sera l’objet d’un prochain livre aussi jubilatoire et informé que celui-ci.

 

« Le ciel vous tienne en joie »


Sylvain Métafiot


Article également disponible sur Forum de Lyon

 

Commentaires

 

Quelle belle photo ! Pour Copé, c'est une vraie photo ? Il doit y avoir trucage c'est pas possible.

 

Idem que Paul, j'adore la photo de Copé particulièrement, mais j'aimerai savoir où Sylvain est allé nous pêcher ces photos d'hommes politiques ! Un moment de bonheur garanti ! (oserai je dire un des seuls de cette campagne ?)

Voilà qui décrit bien ces hommes politiques. J'aime beaucoup les citations notamment la première, qui me fait me demander si nous avons hélas, d'autres choix que de n'être gouvernés que par des fous ?

 

Pour dénicher de telles photos, rien de bien sorcier : il suffit de taper le nom de l'homme(femme) politique+grimace dans google image.

Concernant celle de Copé, j'ai également un doute quant à sa véracité mais elle est drôle. À moins qu'il essaye de résoudre l'équation : récupérer l'électorat FN et celui des centristes de gauche.

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