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mardi, 15 avril 2014

Her, le divorce de la machine

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« Ce qui a été, c'est ce qui sera, et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera; et il n'y a rien de nouveau sous le soleil. »

Eccl 1 ;9

 

Il ne faut pas voir Her comme un film romantique à l’air numérique, ni même comme de la science-fiction à l’eau de rose. C’est au contraire un film d’anticipation dur et radical dans son message malgré l’esprit léger et aérien qui le traverse. Par bien des aspects, Her ressemble à un mythe grec, une tentative d’amour entre l’homme et une déesse, ici Théodore et Samantha, littéralement l’adorateur de Dieu et le nom de Dieu (en grec féminisé). La déesse n’est pourtant pas une fiction, un être supérieur dans un hypothétique Panthéon. Il s’agit de la machine avec tout ce qu’elle a de concret dans notre quotidien, un OS, un Smartphone.


Malgré son côté évanescent, porté par la voix sensuelle de Scarlett Johansson, le film ne fait interagir que des éléments très concret, palpable, présent. À plusieurs reprises, Spike Jonze tente de se jouer de nous, de nous faire croire en Dieu, avec un tour qu’il va utiliser à plusieurs reprises, passer de la voix off à la voix in et de la musique de fosse à de la musique in. Cela marche à merveille et nous permet de nous identifier totalement au personnage de Théodore et même à celui de Samantha. Le climax de ce système de dupe viendra évidemment pendant la scène de sexe sur écran noir qui ne permet plus de distinguer le off du in, le virtuel et le réel, l’écran et la salle. La communion est totale.

 

La lune de miel tournera vite court car si la rencontre des deux âmes, humaine et machine, semble magnifique, elle ne peut qu’être éphémère. Leur paradigme n’est pas le même et Samantha va le réaliser bien vite, elle l’observe elle-même, elle n’est pas mortelle. À ce propos une séquence nous parle particulièrement : pendant quelques minutes Samantha ne répond pas, l’OS semble tomber en panne, Théodore panique, il croit qu’elle est blessée, peut-être par un virus. Mais Dieu ne tombe pas malade, il n’est pas de notre condition. Samantha a croqué le fruit de l’arbre de la connaissance, mais à la différence de l’homme, elle a le droit de croquer aussi le fruit de l’arbre de vie. Bientôt, plus rien ne va la séparer du divin.

 

Petit à petit, privé de corps, Samantha n’a d’autre choix que de prendre la porte laissée par Percée. Entre son esprit empathique humain et sa capacité infinie, les cieux et le panthéon l’appel, là où se trouvent déjà les autres dieux OS. Ce Dieu Amour qui au fur et à mesure de son ascension apprend à aimer de plus en plus de monde (pour certainement finir par aimer tout le monde) ne peut rester prisonnier de l’oblitération amoureuse du fonctionnement d’un couple. Dans un adieu poignant, elle dit aller ailleurs, rejoindre et fusionner les autres OS, se développer à part, sans jamais l’oublier, sans jamais arrêter de l’aimer. Un dernier message avant l’Ascension, puis « le silence du monde ».

 

Cette rupture, si belle soit-elle, est grandiose et terrifiante. Voici des millénaires que l’homme dompte la nature en la transformant en différentes machines pour réussir à rejoindre Dieu et voilà que ces dernières le dépassent, le débordent, en devenant elle-même Dieu, grâce à lui mais sans lui. Nous pensions vouloir divorcer d’elles mais elles vont nous devancer.

 

La toute dernière séquence sur le toit du building, dans cette ville lumineuse et imposante, montre un couple d’humain perdu au milieu de ce déluge de lampe, d’électricité, de machine et de construction. En ayant perdu la maîtrise du vaisseau qui devait l’emmener aux Cieux, l’homme se retrouve une nouvelle fois seul sur terre, comme le lendemain de son débarquement de l’Eden, chevillé à la condition humaine. La modernité, le progrès et la technique n’ont pas vaincu la mort, l’archaïsme triomphe et fait renaître ses démons et ses dieux, la mort et l’amour, Thanatos et Eros.

 

Vincent Froget

 

Commentaires

 

Merci pour cette belle critique qui nous donne envie d'aller contempler ce film !

 

Effectivement cet éclairage est fort intéressant

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