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lundi, 15 avril 2013

Ill Manors de Ben Drew

 

 

Pour son premier film en tant que réalisateur, le rappeur Plan B, frappe plutôt fort. Avec Ill Manors il nous entraîne dans les bas-fonds de Londres, se frotter à la violence des quartiers Est, là où il a grandi, la rage au cœur et la peur au ventre. Le film navigue avec panache dans les eaux marâtres des « films de banlieues », à l'instar de La Haine, Boyz N the hood ou, plus récemment du viscéral Harry Brown dans lequel Plan B incarnait une racaille frappadingue. Le réalisme saisissant de ces films scotche généralement la rétine comme les papier gras collent aux barres d'immeubles. Ill Manors ne fait pas exception à la règle.


Ainsi, au cœur du quartier de Forest Gate, comme dans tout milieu défavorisé, les gangs font la loi, du minable guetteur au caïd organisant le trafic à la vue de tous. Car dans le milieu tout se sait et trop vite et gare aux embrouilles qui partent vite en live. C'est dans cette marmite de nitroglycérine que nous suivons les pérégrinations d'Aaron, Ed, Katya, Michelle, Chris, Carole, Vince, Jo et bien d'autres.

 

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Ben Drew aka Plan B

 

Choral de gangsters

 

Le film est construit selon le schéma des destins croisés des personnages. Leurs rencontres ne se feront pas autour d'un thé dans un salon décoré de dentelles : ils se heurteront avec fracas tout au long de leurs poisseuses aventures urbaines. Un schéma (le film choral) certes loin d'être innovant mais qui, malgré certaines maladresses, permet de donner un rythme assez haletant à l'intrigue. Car si les différentes situations se mettent doucement en place dans un premier temps, c'est un assassinat commandité et mal goupillé qui va mettre le feu aux poudres et déclencher une série d’événements plus dramatiques les uns que les autres. Un portable perdu va entraîner le calvaire d'une pute cleptomane et accro au crack, un règlement de compte va déboucher sur la perte d'un flingue, une demande de weed sur le tabassage filmé d'un gamin, la fuite d'une maison close tenue par des Russes sur la perte d'un bébé, etc.

 

Ben Drew ne prend pas de gants pour décrire le quotidien sordide de ces exclus terribles de la société. Loin d'un académisme bon teint, il film la brutalité telle qu'elle est : sale et crue. On se sent parfois noyé sous cette vague de saleté assortie du fucking langage qui lui sied si bien. Cela dit, Drew n'est pas Ken Loach, la critique sociale ne débouche pas sur une réflexion fine, et certaines sous-intrigues semblent de trop dans cette masse foisonnante d'histoires glauques.

 

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Gangs of London

 

Laisse pas traîner ton fils

 

Ces bévues mises à part, un des points forts du film est la BO, évidemment signée Plan B (s'attribuant, par ailleurs, une place de choix, celle du « narrappeur » intervenant de manière dispensable ça et là) : un rap social enragé mêlant un flow nerveux à un beat bien pêchu, tout en incluant parfois une bonne vieille guitare acoustique. Les thèmes de ces chanson (drogue, viol, meurtre, luttes sociales, etc.) se retrouvent logiquement dans son film, brassant toute la misère des quartiers pauvres où s'y développe une violence inouïe des rapports humains, notamment du fait de politiques sociales déplorables. De fait, nul héros se démarque même si tous ne sont pas complètement mauvais. À l'opposé des vrais ordures utilisant les autres comme moyen d'arriver à leurs fins crapuleuses, seuls les plus intègre sortiront les moins salis par la crasse de cet environnement délétère. Mais le film évite tout manichéisme par son réalisme douloureux.

 

 

 

 

Le personnage d'Aaron est, à ce titre, exemplaire : un voyou écœuré par trop de saloperies au kilomètre carré et qui, a terme, décide de faire les bons choix. Car si « nous sommes le produit de notre environnement », comme le proclame l'affiche, le déterminisme social est combattu et les personnages possèdent l'ardente volonté individuelle de sortir des pires conditions dans lesquelles ils ont le malheur d'être nées. Peu s'en sortiront indemne, poussés par une force autodestructrice qui aura raison des meilleurs repentirs. C'est au travers de minces fissures dans des murs tagués que l'on entrevoit difficilement la lumière. Preuve qu'elle arrive à percer même les murs les plus sombres.

 

Sylvain Métafiot

 

Article initialement publié dans La Gazette #25 de Mankpad'ère

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