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lundi, 24 janvier 2011

Dirty Brown

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Trop récemment relégué à des seconds rôles (de qualités néanmoins : The Dark Night, Inception), l’immense Michaël Caine se retrouve enfin, à 77 berges, en tête d’affiche, endossant le costard so english d’Harry Brown, justicier des temps moderne qui, sans super-pouvoirs ni fougue juvénile, arpente le chemin tortueux de la vengeance froide et sommaire. En laissant sur son passage bon nombre de cadavres. Mais pourquoi qu’il s’énerve le pépé ? Parce qu’il n’en a plus rien à foutre, pardi ! Veuf et ayant perdu sa fille, il apprend que son vieil ami Leonard s’est fait tailladé à coups de baïonnette, et là c’est le déclic. Son objectif : surmonter sa peur et faire payer les salauds responsables de ce meurtre. Harry Brown c’est la curiosité britannique de ce début d’année. Un film non exempt de défauts qui vaut surtout pour la lutte, manichéenne, entre un vieillard charismatique, brutal mais digne, et une altérité radicale et interchangeable (des voyous sans reliefs) dans une ambiance crépusculaire de chaos urbain.


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Face à l’incompétence (caricaturale) de la police, Brown se met à l’œuvre en renouant avec son passé de tueur professionnel. Calme et pragmatique, la vendetta se fait dans la sérénité. Harry est sûr de lui, il sait ce qu’il fait, malgré les conventions. Les imbéciles convenus ne manqueront pas de dénoncer (c’est la mode) le caractère réactionnaire de papy Brown et donc, par analogie fumeuse, l’idéologie archaïque du film (les caïds boutonneux sont des « animaux », le commissaire déclenche la « Tolérance zéro », la fliquette qui se la joue assistante-sociale en prend pour son grade, etc.). On se souvient des attaques virulentes qu’avait subit L’Inspecteur Harry, de Don Siegel avec Clint Eastwood, lors de sa sortie en 1971 ou encore de la Loi du milieu avec Caine himself en gangster vengeur. Pas la peine de crier aux dérives sécuritaires lorsqu’un film essaye d’explorer la réalité poisseuse la violence des zones de non-droit. Illustrer l’auto-défense ne signifie pas la légitimer. Harry Brown, alter-égo contemporain d’Harry Callahan, fasciste ? Aucunement. Simplement désespéré, n’ayant plus rien à perdre, ayant hâte d’en finir. Hâte de finir. On songe évidemment aux films vigilante américains des années 1970 : âpres, poisseux et dérangeants. A ce titre et comme le dit Michael Caine, Harry Brown « est un film sur et contre la violence ».


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Le cadre spatio-temporel confine plus à l’universel qu’à une stricte banlieue de Londres : les mêmes immeubles gris et ternes, les mêmes crapules, le même quotidien désespérant que l’on peut retrouver partout. Ici pas de déterminisme social. Les racailles sont reléguées à leur plus simple condition : des brutes sans cervelles, usant de la violence non pas pour une « cause » mais pour le « plaisir ». Brown qui se souvient des affrontements en Irlande du Nord lorsqu’il était marine, engagé dans un combat régit par des valeurs, ne comprends plus ce monde où la destruction comme jeu est devenue la norme d’un environnement absurde. La terreur que font régner les malfrats n’a pas uniquement pour but de protéger leur business mais également celui de les divertir.

 

Ludique et gratuite, la violence n’en demeure pas moins effroyable, comme le montre cette stupéfiante séquence d’introduction ultra-réaliste : 


 

Le contexte misérable et délétère, plombé par la pauvreté et le chômage, peut expliquer cela, mais n’excuse pas tout. A l’instar du sublime film La journée de la jupe, les jeunes sont mis en face de leur bêtise crasse, de leur vulgarité, de leur misogynie, de leur homophobie, leur ressentiment permanent, leur cruauté. Mais si le drame fait chavirer quelques consciences à la fin du film avec Isabelle Adjani, aucune réconciliation n’est possible dans le monde d’Harry Brown. L’atmosphère est de plomb et c’est là le point fort du film. La meilleure séquence du film de Daniel Barber est cette plongée abyssale dans l’arrière-salle de trafiquants de drogue où Brown traverse des rangées de plants de cannabis avant de se procurer des armes : une tension palpable dans une ambiance glauque qui fait songer à la scène d’infiltration de Robert Green chez les dealers dans La Nuit nous appartient de James Gray (la dimension surnaturelle et la frayeur en moins).

 

Trailer 


 

La vengeance ne débouche pas non plus sur la découverte d’une âme perdue et rédemptrice, comme dans le magnifique Gran Torino : ici le massacre est total. La croisade purificatrice de notre Travis Bickle britannique n’a pas pour but de sauver quiconque mais de laver toute cette merde d’une pluie de feu. En espérant bruler avec elle. Harry Brown ne parvient cependant pas à égaler ses illustres ainés cités plus haut, la faute à un scénario trop conventionnel, un schéma trop balisé, un dénouement prévisible. Finalement après une nuit où les flammes se disputent à l’hémoglobine, le tunnel s’éclaircit. Mais pour combien de temps ?

 

Sylvain Métafiot

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