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jeudi, 22 mars 2012

Transhumanisme, l'avènement inévitable et catastrophique d'un fantasme adolescent

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Nous vivons une époque merveilleuse.

            Le projet démiurgique de fabriquer de l'humain a quitté le domaine du mythe pour s'inscrire dans un horizon temporel. Dissimulé dans la fragmentation des savoirs, l'homme de demain se veut modifiable à l'envie, possède une durée de vie aussi allongée que son compte en banque le permet, et se lance de toutes forces dans une quête d'emprise toujours plus grande sur la nature et sur ses semblables.

 

Il ne s'agit pas de l'Übermensh nietzschéen, cet homme inaccessible vers lequel tendre sans relâche, parangon d'individualisme aux qualités morales toujours nouvelles et uniques. Non, ce que la science propose est une version abâtardie d'un Superman lobotomisé pour accueillir l'esprit de sa Némésis, Lex Lutor. Autrement dit, un être matériellement supérieur dès sa naissance, cherchant toujours plus de puissance par des moyens matériels, fier d'une morale prométhéenne, utilitariste et fanatique. Les nazis ne souhaitaient pas autre chose.


 

L'enfer est pavé de bonnes intentions.

Ce transhomme s'insinue sous le couvert de bons sentiments.
Voilà 3 exemples de ce que nous savons déjà faire au nom du bien commun :


 1) Décoder le génome, expérimenter sur des cellules souches permet de produire de nouveaux traitements  pour les maladies génétiques. Par ici les dons, merci le Téléthon.
 2) Greffer une prothèse de main bionique (plus forte et plus réactive qu’une main de chair) sur un héros de la guerre d'Irak revenu manchot, pour le renvoyer ensuite au front, est à la fois l'honneur et le devoir de la patrie. (Voir le cas Leroy Petry, surtout à 3:37)
 3) Câbler le cerveau d'un paralytique sur un ordinateur est possible. Retranscrire ses pensées en clics et en mouvements de souris lui permet d'interagir avec ses proches et le monde. Victoire de l'esprit sur le corps ! (Voir les travaux et patients du docteur Jonathan R. Wolpaw)

Et voila où ces merveilles vont nécessairement nous mener :

 

1) Génie génétique :

            Ce qui nous est promis à court terme derrière le Téléthon est un eugénisme légitime puisque scientifique, du genre Bienvenue à Gattaca. Dès aujourd'hui, si votre assurance vie ramasse l'un de vos cheveux et débourse 400 dollars d'analyse dans un labo, elle peut connaitre le risque statistique de toute une série de maladies (infarctus, hypertension, Parkinson, etc). Elle va en déduire un âge moyen après lequel il est peu probable que vous soyez encore en vie, et calculer vos mensualités en fonction de ce résultat.

 

Légalement, il n'y aura pas discrimination puisque les inégalités génétiques sont “objectives”. Et lorsque la cartographie du génome coûtera 10 euros, elle sera systématiquement utilisée de votre naissance à votre mort par votre école, votre employeur, votre état pour vous “caser à votre place”. Les Etats réactionnaires qui refuseront cette catégorisation scientifique feront fuir les entreprises, naturellement à la recherche des profils les plus compétitifs. La pratique s'installera de “sélectionner” les meilleurs embryons avant leur naissance (réalisable à faible coût dès aujourd'hui). Après tout, quel parent ne veut pas “le meilleur” pour son enfant ?

 



Toi aussi, demande à ton gynécologue un enfant modèle Ken pour le printemps

 

2) Prothèses biomécaniques :


            Pensez aux inégalités de performances entre soldats “augmentés” et “naturels”. Bientôt, des bien-portants souhaiteront se faire amputer. Imaginez un caporal qui accepte de se faire greffer un bras capable de détruire un mur, il passera plus vite sergent. De même, un agent de sécurité trouvera une meilleure place s'il dispose d'un corps “amélioré”. Des athlètes participants aux jeux paralympiques feront sauter les records de leur homologue “naturel”, précipitant la quasi totalité des sports dans une crise morale.

 

Les Etats interviendront pour limiter la diffusion de ses prothèses, en les assimilant à des armes. Au passage, ils renforceront la surveillance et le fichage des citoyens au nom de la sécurité. Les tribunaux pencheront du côté de la liberté lorsqu'il deviendra évident qu'un Français naturel à la recherche d'emploi ne peut rivaliser avec un Russe augmenté. Les greffes “cosmétiques” deviendront monnaie courante, prétextes à une myriade de petites modifications. Les méca-chirurgiens-esthéticiens organiseront des défilés de mode corporel pour faire la promotion de leurs dernières créations, repris par les publicitaires et les magazines type ELLE.


Intermède Publicitaire :

 

3) Interface cerveau / machine :


            Cela ouvre la voie au contrôle absolu de l'autorité sur ses sujets, façon big brother télépathe. Car en plus de transcrire les signaux nerveux (puces greffées dans le cerveau ou électrodes sur le crâne), il est aujourd'hui possible de reconstituer le film - encore rudimentaire - de vos pensées (Travaux de Jack Gallant à l'Université de Berkeley). Au commissariat, bientôt les enregistrements psychiques. “Vous n'avez rien à cacher à la police ? Et à votre patron ?”  Dans un entretient d'embauche on vous enfilera un casque sur la tête avant de vous poser les questions : “Êtes vous motivé ? Êtes-vous sérieux ?”. Puis la sélection se fera sur la seule base des images qui ont pu vous passer par la tête.

 

Bientôt, des psychologues vous proposeront de lire les rêves de vos enfants dans leur sommeil, pour un programme éducatif personnalisé garantissant gloire et fortune. Et il n'y a pas de raison pour que cela ne fonctionne que dans un sens, téléguider et endoctriner les humains comme des marionnettes sera un jour techniquement possible.

 

La fiction                                                                  La réalité

 

Elucubration, science fiction, technophobie ? Non, exercice d'anticipation. Incertain, limité mais plausible.

 

Et pourtant, la science est l'avenir de l'homme.


Faut-il arrêter la recherche ? Ne pas soigner les malades, ne pas donner la meilleure prothèse à un blessé, laisser mourir “naturellement” les paralytiques ? Bien sût que non. Mais cela revient à accepter que les progrès de la médecine change radicalement l'homme à moyen terme.

 

Cette science nous éloigne-t-elle de notre nature ? Pas plus que les implants mammaires, le maquillage au plomb ou l'épilation au laser cancérigène. Plus dangereuse ? En comparaison de la menace d'explosion d'une bombe atomique, ce n'est rien. Risque-t-elle de faire de nous des clones uniformes de Superman ? A l'ère de l'individu, c'est peu probable. Au contraire, la diversité (physique) risque d'augmenter à mesure que les paramètres de modifications sont plus nombreux. Bien sur, la diversité des corps sera tempérée par des effets de modes et de castes / classes sociales, tout comme l'est aujourd'hui la diversité des vêtements.



De façon plus globale, notre modèle de croissance n'est pas loin de l'injonction biblique “multipliez, remplissez et assujettissez la terre” (Genèse 1. 28). Cette quête de puissance, de domination et cette fuite de la mort par la reproduction sont condamnées aujourd'hui par une doxa bien pensante. Mangez peu et bio, économisez l'énergie et l'eau, triez et compostez, soignez vous avec des plantes et des infusions, etc. Refusez la science “inhumaine”, retrouvez une vie en harmonie avec la nature.

 

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En quête d'étoiles et d'absolu, assumons de consumer, assécher et polluer la terre.


On retrouve dans cette diabolisation de la science la culpabilité du péché originel : nous avons obtenu la connaissance malgré la volonté de Dieu, et cette connaissance empoisonné nous exclus du paradis, du bonheur. Heureux les simples d'esprits...
S'il y a bien un point sur lequel sont d'accord autant le parti républicain américain que le parti communiste chinois ou l'Ayatollah iranien, c'est celui là. La culpabilité des origines, de notre “nature” et de la connaissance se retrouve dans tous les mythes de toutes les cultures. Bien que cette culpabilité soit l'expression d'une évidente sagesse (le savoir à un prix) et possède une certaine légitimité, elle prend au mieux la forme d'un conservatisme politique, au pire celle d'une force réactionnaire. 

 

Pourtant, si l'on parle de nature humaine au sens de tendance psychologique, il faut reconnaitre que le désir de savoir et de pouvoir existe en nous au même titre que le désir d'harmonie. Ce qui est une catastrophe, c'est de succomber entièrement à l'un ou l'autre désir. Dans un cas, on risque la stagnation et la régression. Dans l'autre cas, on risque de se heurter à l'inertie de l'histoire, dans une course effrénée et auto destructrice vers l'avenir.

 

Politiquement, cela se traduit par la recherche constante d'une attitude éclairée, non-autoritaire et non-idéologique. Economiquement, c'est un chemin étroit entre décroissance sélective et progrès dirigé. Aussi embarrassante soit-elle, la science est à embrasser pour éviter stagnation ou extinction lente. Pire, la science est condition nécessaire pour garantir perfectionnement et  prolifération à l'espèce humaine sur le très long terme.

 

La génération désenchantée a une imagination débordante.


Dans les anciens contes, la magie était extérieure aux hommes sous forme de pouvoirs rares et précieux que les héros contrôlaient de façon erratique. On nous promet aujourd'hui une science qui ne se distingue pas de la magie (nano-machines, cellules totipotentes), mais il s'agit de pouvoirs intériorisés, maîtrisés, permanents, et accessibles aux masses. Bien loin de tuer le rêve, cette démocratisation de la magie a décuplé l'imagination.

 

Le désenchantement, c'est de pouvoir matériellement réaliser TOUT ses fantasmes. Deux choses au moins nous empêche alors d'être une génération blasée :
- On ne réalise qu'un fantasme à la fois,
- Réaliser un fantasme n'est pas gratuit. Plus il est original (et donc difficilement réalisable), plus le prix à payer (monétaire ou de sa personne) est élevé.

 

En conséquence, les rêves se transforment une fois accomplis, les désirs se reportent sur d'autres choses ou personnes une fois satisfait. L'imagination se fixe rarement longtemps quelque part, elle vagabonde. La durée toujours plus courte de nos relations amoureuses en est une manifestation. Cette idée est parfaitement exprimée dans une nouvelle de Greg Egan disponible sur le Net : Plus près de toi.


Mais notre vagabondage nous pousse à devenir artistes. A nous fabriquer des yeux nouveaux toujours plus personnels. A imaginer des suites à l'infini. L'homme modernisé par la technique n'est pas moralement meilleur : mesquinerie, petitesse, égoïsme ne l'ont pas quitté. Mais il est devenu plus créatif, pour le meilleur et pour le pire.

 

Pierre Alhammoud

 

Commentaires

 

Merci Pierre pour cet article on ne peut plus dans l'ère du temps !

C'est une belle réflexion que tu as sur l'avenir de l'homme, pour la compléter je ne saurai trop te conseiller le livre de Michic Kaku : la physique du future (que je lis en espagnol) un pavé de 500 pages sur l'homme d'aujourd'hui à l'homme de 2100. Je te conseille aussi cette réflexion intéressante de Bernard Werber (auteur qui m'a éveillé sur le futur il y a quelques années) sur TED avec son "Arbre des possibles" !

L'homme de demain sera aussi l'homme que nous aurons pensé aujourd'hui, alors essayons peut être aussi de le penser moins "parano", plus libre et en meilleure santé et harmonie avec les autres ?

Enfin, différents éléments sont à prendre à compte pour notre avenir et le rendent incertains (ouf !) : rencontre d'autres civilisations, météorite, nouvelle planète etc.

 

Salut Didier.

La rencontre avec d'autres civilisations, je l'espère toujours mais y crois de moins en moins. Les raisons ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_de_Fermi

Werber j'ai toujours eu du mal à le lire, je trouve qu'il écrit beaucoup pour satisfaire un goût grand publique et avoir une bonne place en librairie. Mais bon, je n'ai lu que les fourmiz et le livre du voyage, et sur ton conseil je vais essayer de changer mes aprioris négatifs.

De mon côté, je te recommande Neal Stephenson (tout, mais surtout L'âge de diamant), Bruce sterling (tout, mais surtout La Schismatrice) et en gros tous les auteurs de la section cyberpunk et hard sf de wikipedia. Par ordre alphabétique. Il n'y a presque rien à jeter.

 

Salut Pierre,

Nous avons cru pendant des siècles avant de découvrir les Amériques que nous étions les seuls :) ! Et là cela fait seulement 60 ans que nous explorons "l'univers" à une échelle réduite, donc avant de croire que nous ne nous trouverons personne laissons les nous trouver avant de nous prononcer :p !

Pareil j'ai du mal à présent avec Werber, mais c'est lui qui a réussi à m'initier à la lecture et à de grandes questions qu'il rend accessible à ceux qui n'ont pas une grande culture littéraire ;) ! Son arbre des possibles est en tout cas une exception sur le net et c'est très enrichissant (voir la partie : peut on imaginer la terre sans argent ?) http://www.youtube.com/watch?v=8M-dpdeg6hQ



Il y a une théorie aussi qui dit que si nous n'avons rencontré aucune civilisation ça serait parce qu'elles se sont concentrés à développer de faux mondes virtuels comme nous le faisons aujourd'hui sur la Terre... et qu'on est trop occupé pour aller voir ailleurs ! hypothèse assez intéressante même si je ne me souviens plus quel est son nom !

Merci pour les conseils de lecture ;)

Au plaisir de te lire !

 

L'idée va même plus loin et tout comme le paradoxe de Fermi, c'est grâce à l'apport des mathématiques statistiques.

Pour Fermi :
Thèse : nous avons de grandes chances d'être seul dans l'univers.
Arguments : Pour toutes espèces technologiquement avancé, Il faut un temps relativement court (quelques millions d'années) pour coloniser la galaxie, même à des vitesses très faible (1% de la vitesse de la lumière). Sur 10-12 milliards d'années, l'événement aurait du se produire. De plus, nous aurions du déjà capter des signaux ou traces énergétiques de toutes civilisations de type 2 ou 3.


Thèse : nous avons de grandes chance de n'être qu'une simulation d'une espèce plus avancé.
Arguments : Si une civilisation atteint un niveau de technologie comparable au notre, sa puissance de calcul lui permet de faire tourner un nombre toujours croissant et plus complexe de simulations virtuel. Nous humains faisons déjà tourner des simulations primitives d'univers dans des supercalculateurs. Avec une puissance de calcule multiplié par 1,5 tout les ans, on atteint vite la puissance nécessaire pour faire tourner un nombre tellement grand de simulations que l'univers "réel", d'origine, est perdu dans la masse (0,000...1% des univers totaux). Et les êtres nées dans une simulations n'auraient pas de moyen de le savoir.

 

Peut on être né dans une simulation ? comment le savoir ? je comprends pas trop

 

Cadeau pour rêver un peu :

http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/astronomie/d/extraterrestres-leurs-lampadaires-pourraient-trahir-leur-presence_34469/

 

Cette vidéo vous intéressera j'en suis sur ! http://www.dailymotion.com/video/xa3lhs_michio-kaku_tech?start=454#from=embediframe

 

"Peut on être né dans une simulation ?"
Oui. Préchauffez votre four à quelques milliards de degrés. Prenez 4 lois physiques bien dur. Ajoutez 2 lois biologiques fraichement pondu. Enfournez, secouez bien fort et laissez faire le hasard pendant quelques milliards d'années. Démoulez, et avec un peu de chance, vous observerez la vie.

"comment le savoir ?"
On peut pas. Enfin à condition que la définition soit équivalente ou supérieur à l'univers d'origine. Possible, par exemple, avec un ordinateur quantique.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Calculateur_quantique

La dernière vidéo est interessante sinon. Bon par contre il va trop vite pour donner plus qu'un "sense of wonder" et obtenir des financements pour expérimenter. Oui il ne faut pas exclure de la recherche scientifique la question de l'existence d'autres intelligences. Autant la théorie que l'expérimentation sont à creuser ... voir l'article sur le paradoxe de fermi.

Pour aller plus loin dans les principaux thèmes de cette vidéo, outre un peu tout wikipedia, il faut lire Anathem de Stephenson, et un peu du cycle des xeelee de Baxter.

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