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lundi, 06 février 2012

Bonnet d’âne

The Detachment, Tony Kaye, Adrian Brody, bonnet d'âne, violence scolaire, lycée difficile,mauvais, démagogique,Sylvain Métafiot,

 

Une assez courte note cinématographique. Cela suffira pour dire le ratage complet qu’est The Detachment, le dernier film de Tony Kaye (réalisateur du film culte American History X), qui raconte le quotidien d’un prof remplaçant, Henry Barthes (Adrian Brody et sa tête de grosse merde désabusée), dans un lycée difficile de la banlieue new-yorkaise. Après Andrew Nicol et son insupportable Time Out, voici un autre réalisateur qui déçoit (surtout de la part de Nicol). Et pas qu’un peu. Les raisons de la colère ? Le film est outrancièrement pesant, larmoyant et didactique. Il enfile les clichés aussi facilement, et avec une telle assurance, qu’une fillette à l’atelier « collier de perles » du centre aéré de Montlucon : le prof idéaliste qui va sauver une classe du désastre (sans que sa méthode miracle soit montrée une seule minute : un prodige), qui va récupérer chez lui une gamine qui fait le trottoir (sans explorer pour autant les ambiguïtés qu’une telle relation peut entraîner à la façon de Nabokov) et qui va sympathiser avec la grosse exclue du bahut qui soigne sa mélancolie en s’adonnant à la photographie lifestyle. Au-delà du fond assez démagogique entretenu par des raccords douteux (un enseignant hurle sa rage contre cette masse d’abrutis acnéiques qui n’ont ni motivation ni curiosité et devient, par la magie du montage, un avatar d’Hitler vociférant sa haine à Nuremberg : quelle subtilité) le film procède d’un style documentaire énervant assortit de trois tares de mises en scène : les gros plans sont récurrents et n’apportent aucune tension à l’intrigue (n’est pas Sergio Leone qui veut) pas plus qu’une empathie vis-à-vis des personnages ; des flashbacks filmés avec un filtre sépia parsèment le récit afin de nous révéler le passé torturé de cet enseignant triste mais ne réussissent qu’à alourdir l’histoire et, de fait, on se fout pas mal de sa tragédie familiale ; enfin les soliloques face à la caméra censés apporter une gageure de vérité se révèlent aussi creux que le cerveau de Nadine Morano.

 

Pour le coup le titre dit vrai : on est totalement détaché de cet objet filmique. Que viennent faire des acteurs talentueux comme James Caan ou Isiah Whitlock Jr (l’inoubliable sénateur Clay dans The Wire) dans cette galère ? A noter que le film a reçu le Prix de la Révélation Cartier, le Prix de la Critique Internationale au Festival de Deauville et le Prix du public au Festival 2 Valenciennes. Rien de plus normal : c’est un film d’auteur pseudo intello qui plonge au cœur de la réalité de la violence scolaire et dénonce le système qui bla bla bla…

 

Le film se pare de prétentions intellectuelles qu’il n’atteint même pas du bout du pied. Ainsi, il flatte le cinéphile cultivé en lui balançant des références littéraires de qualité (oh Albert Camus en introduction – miam ! – puis George Orwell – merveilleux ! – et enfin Edgar Allan Poe – je jouis !) mais sans réellement les exploiter et, pire, en les galvaudant allégrement. Je ne vais pas revenir sur l’instrumentalisation à outrance de 1984 de nos jours (même si les références à la novlangue, à la doublepensée, au télécran ou à Big Brother sont parfois justifiées. Et encore… avec parcimonie) mais Kaye gâche la seule bonne idée de son film lorsqu’il ne fait que survoler la métaphore contenue dans le poème de Poe à la fin de son film. Comme un élève trop sûr de lui qui esquisserait un pan de sa réflexion dans la conclusion d’une dissertation. Note : zéro pointé !


 

Regardez plutôt La journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld.

 

Sylvain Métafiot