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lundi, 23 mars 2009

Ni pute, ni soumise et en jupe !

la_journee_de_la_jupe_7.jpgSi pour vous un bon film français vous semble relevé plus de l'oxymore que du pléonasme, allez donc voir La journée de la jupe écrit et réalisé par Jean-Paul Lilienfeld. Sortis sur les écrans le 25 mars et diffusé sur Arte vendredi 30 mars (le nouveau record absolu d'audience de la chaîne franco-allemande : 2,2 millions de téléspectateurs, soit 9,6 % de part d'audience), ce film relate un cours de français dans un collège difficile (comprenez agressions, racket, insultes, dégradations, harcèlement physique et moral, j'en passe et je zep...pardon zappe) qui tourne court puisque la prof, Sonia Bergerac (Isabelle Adjani), suite à une altercation avec des élèves, décide de prendre en otage une partie de sa classe. Alors que le RAID encercle le collège, que les médias débarquent, le cours va pouvoir commencer....


Plus qu'un cours c'est une démonstration brillante et brut de pomme des lacunes béantes des politiques d'enseignement, voire d'intégration, et plus globalement d'une certaine déchéance culturelle en France. D'un réalisme criant, le film jette un pavé lucide dans la mare de l'enseignement secondaire. Le jeu formidable des acteurs, sans fioritures, permet d'insuffler une tension palpable tout au long de la prise d'otages. Nul ne sait comment cela se terminera. Isabelle Adjani, après une traversée du désert cinématographique, est éblouissante, à la limite de la folie et du désespoir. Le brigadier-chef Labouret, négociateur remarquablement joué par Denis Podalydès, semble le seul à avoir toute sa raison. On trouve aussi un principal incompétent (génial Jackie Berroyer), des profs lâches et dociles, des flics interventionnistes, des élèves dominés par la peur et quelques parents caricaturaux. Une conjugaison de personnalités nous faisant rapidement passer du rire aux larmes.



 

 

Afin de discréditer son acte, le gouvernement et ses collègues essayent de la faire passer pour une femme dérangée, fragile et surtout xénophobe. Argument facile et démagogique venant de la part d'un prof gauchiste et stupide : « de toute façon elle est raciste ». Pourtant, à l'heure où l'on préfère s'abrutir devant un match de foot (voir la scène hilarante où Sonia chante « Zidane il a marqué !» après avoir asséné un coup de boule à un élève) plutôt que de lire Albert Camus, ce sont ces crétins de gosses qui sortent le revolver quand ils entendent le mot « culture ». Un prof d'espagnol préfère écouter du (mauvais) rap avec ses élèves, parler djeun et affirmer qu'il y a eu une incompréhension quand il se fait péter le nez, ce qui lui permet d'affirmer qu'au collège « tout va bien madame la marquise ». Quand Sonia revendique fièrement la laïcité de l'école publique, le pédago préfère utiliser le Coran avec ses élèves soi-disant musulmans (même les profs des lycées cathos ne se baladent pas avec la bible sous le bras). Elle est comme ça Sonia, elle ne transige pas. Son peureux de principal lui conseille de ne pas venir en jupe à cause du « contexte particulier », elle décide donc d'en mettre une le lendemain. Raciste et réactionnaire Sonia ? Absolument pas. Juste soucieuse des principes républicains et démocratiques dans l'école, cette institution basique de la société, qui a fait d'elle une femme engagée et indépendante.

 

Nul doute que ce long-métrage ne plaira pas aux bonnes âmes soucieuses de privilégier une bonne image de l'école et de la société française en général. Tant mieux ! Quand on refuse de voir la merde qui se trouve devant nous on finit inéluctablement par se vautrer dedans. Petite parenthèse : je me rappelle qu'après avoir vus Entre les murs de Laurent Cantet, l'envie de faire un article me démangea. Mais faute de temps je n'ai pas pu exprimer ma perplexité : de très bons passages ne masquent pas une démagogie ambiante sous couvert de respect et de tolérance. Combiens de médiocres François pour de trop rare Sonia ? Fermez la parenthèse.

 

Comme le hurle justement Sonia « Ce respect là, c'est de l'escroquerie ! ». C'est ce respect qui considère la femme comme inférieure à l'homme, qui fait passer les lois de Dieu avant celle de la République, qui fait baisser les yeux des plus faibles devant les caïds de quartiers, qui censure la liberté d'expression et celle des journalistes, qui propage le relativisme culturel, qui fait se coucher la civilisation face à la barbarie. C'est cette tolérance de pacotille qui incite à la lâcheté certains enseignants, sous prétexte de préserver la paix sociale. Quand on se couche devant la bêtise, il n'est pas étonnant de se faire traiter de crétin. Cela me rappelle une chanson de l'excellent duo électro-rap Redbong dont voici le refrain : « Bienvenue dans mon monde / un monde d'abrutis où l'apparence prime / sur le contenu et l'esprit / Bienvenue dans mon monde / un monde de blaireaux / où le dernier des tocards est un héros. »

 

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A force de voir la société française au pire, sombrer dans la déculturation, au mieux dans la stagnation des savoirs, on a vraiment envie de la tirer vers le haut. Avec un flingue on peut tirer, mais pas bien loin et généralement très mal. Mais il parait que cela soulage... Un relatif désastre culturel et intellectuel dont la gauche et la droite sont tous deux responsables. Remettre l'homme au centre du système démocratique, et a fortiori de l'école de la république, n'est pas un vœu pieux mais une nécessité que la droite n'a jamais voulue et que la gauche à trahie. A trop vouloir considérer l'enfant comme un adulte et à supprimer les hiérarchies ainsi que les frontières on oublie la transmission du savoir et le respect mutuel entre maître et élève. Car comme le dit Hannah Arendt dans La crise de l'éducation « l'enfant est un être humain en puissance ». Les politiques devraient relire Arendt de temps en temps. Notamment notre Président bien-aimé, anti-intellectuel revendiqué et fier de l'être.

 

« Les femmes ont combattues pendant des années pour pouvoir porter le pantalon et s'affranchir de la jupe » dit justement la ministre de l'Intérieur du film. Maintenant, la situation s'est inversée : mettre une jupe est un acte de courage pour les femmes dans des quartiers à la misogynie puante. Le féminisme est en perte de vitesse, délégitimé chez les hommes comme chez les femmes. Même chez les jeunes « éclairés » (comprenez la classe moyenne, éduquée et privilégiée) on juge de plus en plus sévèrement les tenues « légères ». La liberté de s'habiller est désormais synonyme de trainée, catin, pute ou salope. Il n'y a certainement pas des coups de pistolet qui se perdent mais certainement des kilos de baffes et des sacrés bon coups de pieds au cul ! Comme le dit son amie du film « Sonia porte la jupe mais ne baisse pas son froc, elle ! »

 

Sylvain Métafiot

 

 

Commentaires

 

J'ai beaucoup aimé (le film et votre article !)
Merci
Louis

 

Une réponse d'Agathe André, journaliste à Charlie Hebdo :
"40 ans après le MLF et l'assaut de ces dames sur le pantalon, 4 décennies de féminisme d'Etat et de mixité scolaire, la jupe est devenue le symbole de l'émancipation féminine ! Et on en est encore à contrôler ce que peuvent porter ou pas les femmes. On assiste à une dégradation larvée des relations entres filles, qui se masculinisent pour échapper aux quolibets, et garçons qui s'enferment dans un modèle de virilité outrancier et passéiste. Même si la ségrégation et l'insécurité sociale favorisent la réémergence d'une masculinité rigide et agressive, les mecs des cités n'ont ni le monopole ni le gène de la connerie. Les codes de la "discrétion sexuelle" ont été assimilés par les deux sexes et par toutes les couches sociales. Etre ado aujourd'hui c'est être confronté à une hypersexualisation des images, des mots et du sens, où le rapport au corps, à la liberté, à l'identité sexuelle est beaucoup plus flou. Les modèles monolithiques du masculin et du féminin ont enfin explosé en vol."

 

Same player shoot again

Une analyse sociologique de la jupe par le site "La Vie des Idées" :

http://www.laviedesidees.fr/La-jupe-en-revolution.html

 

Jamais deux sans trois

Un très bon article sur Causeur : http://www.causeur.fr/un-film-bien-trousse,2173

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