Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« Ludovic Maubreuil : « Le cinéma européen a su parler des variations de l’âme féminine à travers le parcours d’actrices singulières » | Page d'accueil | Les Furtifs : Bacurau de Kleber Mendonça Filho »

mercredi, 25 décembre 2019

Dépression en basse altitude : An Elephant Sitting Still de Hu Bo

Sylvain Métafiot, Le Comptoir, Dépression en basse altitude,An Elephant Sitting Still,Hu Bo

 

Dans une grande ville du nord de la Chine cerclée de fumées charbonneuses, quatre personnages désœuvrés, atteints d’un profond mal-être existentiel se croisent, se frôlent et se confrontent le temps d’une journée brumeuse, dessinant sur la carte de la modernité industrielle les ramifications d’une mélancolie urbaine en noir et bleu.

 

Radiographiant la détresse collective de tout un pays, Hu Bo déploie une narration étirée (le film dure presque 4h) permettant de symboliser intensément la douleur de ses différents protagonistes. Que ce soit pour fuir la vengeance d’un malfrat, la culpabilité d’un amour interdit, le mépris de sa propre famille ou les remords d’avoir provoqué le suicide d’un ami, c’est le même désir de s’échapper d’un monde privé d’empathie qui n’a plus rien à offrir que de sombres destins dans des paysages morts. Et la seule évasion possible se fera en direction d’un mythe au repos apaisant (le fameux éléphant du titre). S’attardant sur les gestes, les visages et les corps – au point de rendre leur environnement flou – la mise en scène s’enroule dans une succession de plans-séquences et d’analogies métaphoriques d’une beauté crépusculaire stupéfiantes. Collant au plus près des personnages, les effleurant de manière douce, la caméra colle parfois au ras-du-sol, glissant le long de l’asphalte d’une ville tentaculaire baignée d’une lumière spectrale et froide.

 

Cette grande tristesse, cette absence totale d’amour, qui imprègne le long-métrage de Hu Bo n’est, par ailleurs, sans doute pas étrangère à l’extrême souffrance intérieure de celui-ci (bien qu’il ne faille pas réduire les qualités esthétiques du premier à l’état dépressif du second). Le jeune réalisateur de 29 ans mis fin à ses jours quelques mois après la fin du tournage. Le réalisateur hongrois Béla Tarr disait de lui : « C’était un homme impatient, dans une urgence perpétuelle. Peut-être savait-il qu’il lui restait peu de temps… Il faisait tout pour obtenir sans attendre ce qu’il voulait. Il n’acceptait pas le monde, et le monde ne l’acceptait pas. »

 

Sylvain Métafiot

 

Article initialement publié sur Le Comptoir

Écrire un commentaire