Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« Aurore Ninino : « On doit retrouver la capacité d’émettre du crédit publique » | Page d'accueil | Reportage sur le lancement de la campagne du Front de Gauche pour les municipales de Lyon »

mardi, 18 février 2014

L'oiseau de proie

HER.jpg

 

Nouvelle variation sur la solitude post-moderne, Her nous conte la romance entre Theodore Twombly (Joaquin Phoenix, tout en retenue) et son nouveau système d'exploitation, Samantha (Scarlett Johansson). Ou quand Simone d'Andrew Niccol rencontre Shame de Steve McQueen.


Science-fiction sentimentale, le dernier film de Spike Jonze dévoile cette récurrente, et pas si récente, incapacité d'aimer chez l'homme-masse englué dans la toile urbaine. Plus l'individu est connecté plus sa solitude semble grande. Incapables de s'exprimer avec leurs propres mots, les jeunes amants comme les vieux couples délèguent leurs lettres amoureuses à une entreprise d'écriture épistolaire dont Theodore est le meilleur élément. Se remettant difficilement d'une récente rupture, ce dernier est également en proie à une misère sexuelle se réduisant à du porno en ligne. L'accessibilité des services est immédiate dans cet avenir proche.

 

Mais le futur ressemble ici à une contre-utopie douce et sucrée : un monde peuplé de hipsters bariolés, hyperconnectés, écolos, aimables, aisés et fades. Aldous Huxley fut-il meilleur prophète que George Orwell ? Le cauchemar utopique sera-t-il rose bonbon plutôt que noir cendre ? Les prisons appartements sont dorées et confortables mais l'on s'y ennuie terriblement. Ce qui surprend c'est l'absence total de violence : tout est lisse, propre et calme. Les seules aspérités sont celles des sentiments qui débordent leurs cloisons technologiques (écrans, oreillettes, smartphones). La violence est plus latente : celle d'un monde aseptisé et jovial.

 

Qu'on ne s'y trompe pas : la technologie est un prédateur pour l'homme ayant consenti à être sa proie. Heureux d'être enserré par un rapace qu'il ne contrôle plus, et recraché après mastication maladive. Theodore en fera l'amer expérience. Après tout, une intelligence artificielle suffisamment développée n'a que faire d'un matériau aussi désuet que l'homme. Il est d'ailleurs dommage que la réflexion sur la réalisation virtuelle de l'homme – en passe de dépasser celle du réel – ne soit qu'effleurée. Les possibilités à long terme de l'intelligence artificielle sont vertigineuses et auraient mérités plus qu'une ébauche.

 

 

De fait de l'immatérialité de Samantha, la romance est filmée sans contre-champ : seul le visage de Theodore nous fait face. De l'extérieur ce n'est pas un couple que l'on observe mais le monologue d'un homme seul. Désormais, les gens parlant seuls dans la rue ne sont malheureusement plus fous, mais bel et bien branchés. En attendant le court-jus, c'est peut-être sur le toit des immeubles, au grand air, qu'ils réapprendront à s'aimer.

 

Sylvain Métafiot

 

Commentaires

 

En complément, lisez l'excellent article de Théo Ribeton sur Zinzolin : http://www.revuezinzolin.com/2014/03/her/

 

C'est vrai que le futur très pastel présenté par Jonze n'est pas forcément rassurant. Et c'est vrai qu'on a l'impression que la violence ne semble pas exister.

Et j'avais oublié SimOne qui me rappelle une époque où Niccol savait encore faire des films.

 

Ah c'est sûr qu'aux vues de Time Out ou des Âmes vagabondes ou se demande dans quel sombre gouffre est tombé Niccol.

Les commentaires sont fermés.