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mardi, 04 décembre 2012

Claquage de barres et pétage de côtes

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« C’est juste pour rire » : ainsi parle la populace. Ce type de rire se présente lui-même comme une forme d’exutoire à bon marché. On ne rit pas pour s’élever au-dessus de sa condition commune, mais on rit justement de ceux qui voudraient le faire, sous prétexte que «on est tous humains, après tout...». Tel est l’humour démocratique : égalitaire et plat. Qu’aujourd’hui l’humour se vende aussi bien ne peut d’ailleurs que susciter notre méfiance.[1]


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Contre le rire du troupeau, Nietzsche nous propose le rire noble, divin, souverain et sans remords :

 

« Je me permettrais même d’établir une classification des philosophes d’après l’espèce de leur rire — jusqu’en haut, à ceux qui sont capables du rire doré. Et si l’on admet que les dieux philosophent eux aussi, je ne doute pas qu’ils ne connaissent une façon de rire nouvelle et surhumaine. »[2]

 

Mais ce rire est bien exigeant. Voilà d'où vient ce singulier paradoxe qui veut qu'aujourd'hui les individus les plus fades soient ceux censés nous dérider les zygomatiques, c'est-à-dire les humoristes. Enfin, pas tous, certains possédant un rire acéré et salutaire (voir plus bas). Mais comment qualifier autrement que de quenelles fades ces Anne Roumanoff, Dany Boon, Laurent Gerra, Omar & Fred, Kad Merad, Eric & Ramzy, Cyril Hanouna, Rémi Gaillard, Chevallier et Laspalès, Anthony Kavanagh ? Ces martyrs autoproclamés de la liberté et penseurs perturbants, ayant imposé leurs sales gueules sur l'espace public de l'hilarité.



C'est le propos de François L'Yvonnet qui, dans Homo comicus ou l'intégrisme de la rigolade, rappelle au bon peuple gavé par les marchands de la drôlerie pontifiante, qu'outre le fait d'être secs de tout humour, ces « comiques » ont partie liée avec ceux qu'ils dénoncent, que le numéro de duettistes s'il est bien rôdé n'en est que plus pitoyablement visible. Les cas de Stéphane Guillon et de sa pathétique remplaçante, Sophia Aram, sont, à ce titre, exemplaires. Mais ne désespérons pas de France Inter, la station a su accueillir l'émission la plus drôle depuis « Le Tribunal des flagrants délires » : « À votre écoute coûte que coûte », que nombre d'auditeurs aigris ont snobée après s'être faits berner par l'ironie acide du couple de cathos intégristes.

 

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Cela dit, il est loin le jour où la France produira une série aussi impertinente que South Park. Les libertariens Matt Stone et Trey Parker n'épargnent personne : les rednecks autant que l'intelligentsia pseudo-contestataire. Quelques exemples : dans « Crève hippie, crève ! » Cartman veut nettoyer la ville de ses gauchistes au lance-flammes ; dans « Vas-y, Dieu ! Vas-y ! », dans le futur, Dieu a été remplacé par la Science – et le règne des hommes par celui des loutres, plus douées en la matière ; ou dans « Imaginationland » où les « islamo-terroristes » ont pris en otage l’imagination des honnêtes citoyens américains, au point que le chef de la CIA ne voit plus qu’une solution : « Il faut atomiser notre imagination ! »




Il n'y a guère aujourd'hui que Le Comte de Bouderbala (se moquant impitoyablement des rappeurs, des supporters de foot et des Roumains), Fellag (joie de l'absurde et intelligence politique), Gaspard Proust (fils spirituel de Pierre Desproges) et Charlie Hebdo pour nous faire méchamment rire. Et ce, malgré le fait que le Comte ait joué dans un triste navet (Les Seigneurs), que Proust soit sur une pente glissante en faisant partie du pitoyable show du cocaïné Thierry Ardisson sur Canal +. On regrette aussi que Dieudonné ait troqué son talent contre un antisémitisme qui ne fait plus rire que lui, Faurisson et Le Pen.

 

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Comme le dit si justement Pacôme Thiellement, dans Tous les chevaliers sauvages : « Il y a deux types de rire : le petit rire né de la soumission aux limites, et le grand rire né de la confrontation à l’illimité, de la mise en pièces de nos conditionnements. Le rire que provoquait Hara-Kiri était un grand rire. Un rire tranchant comme le sabre du samouraï. Désormais seul survit le petit rire de l’acceptation des choses. Preuve en est la forme privilégiée du « chroniqueur », mi-humoriste, mi-valet du pouvoir, nul en tout mais présent partout, ne sachant rien faire mais parlant tout le temps très fort, et toujours dans la bonne humeur. »


 


Parfois, je me prends à rêver que Sacha Guitry, Alexandre Vialatte, Coluche et Raymond Devos se rassembleraient autour de Franck Dubosc... pour lui latter la gueule à coups de barres à mine !

 

Finalement, tout est une question d'attitude :

 

Si tous les types de rires semblent indiquer que celui qui rit se sent tout à coup dépassé par quelque chose, c'est seulement en prenant conscience de l'infinie grandeur de ce quelque chose que nous pouvons rire grand, et grandir nous-mêmes jusqu'à rejoindre le cosmos.

 

« Qui de vous peut en même temps rire et être élevé ? »

 

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra


Sylvain Métafiot &Pierre Alhammoud

 



[1]     Jean Pierre Lorange, Le rire de Zarathoustra


[2]     Friedrich Nieztsche, Par delà le bien et le mal, aphorisme 294.

 

Article initialement publié dans la Gazette #23 de Mankpad'ère

 

Commentaires

 

tu as oublié de citer l'immonde Jonathan Lambert qui ne fais que rire Ruquier et ce en faisant le même gag depuis 10 ans tous les samedis soirs....

Dans l'humour absurde je te conseille Ben ;)

 

Lambert le tâcheron... en effet.
Ruquier aussi mériterait un article à lui tout seul tant sa capacité de nuisance est grande. Son seul talent est de faire découvrir des meilleurs comiques que lui (Proust, par exemple). Ce qui n'est tout de même pas difficile...

 

C'est vrai que ce n'est pas très compliqué, quoi que j'arrive à connaître des gens encore plus pitoyable que Ruquier...

 

Florence Foresti ?

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