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lundi, 14 février 2011

Némésis de l’âme

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En 1876, Tchaïkovski ne se serait certainement pas douté que son ballet Le Lac des cygnes deviendrait le plus connu de par le monde, joué des milliers de fois dans les plus grands opéras et adapté au cinéma avec force et maestria. Ainsi, Black Swan de Darren Aronofsky, nous entraîne dans l’envers du décor du New York City Ballet, à la recherche de Nina Sayers (époustouflante Natalie Portman), avant qu’elle ne se perde. Ce joli petit canard d’une troupe où la concurrence est rude, aussi appliquée qu’introvertie, épousera un destin aussi glorieux qu’expéditif, dans une atmosphère baroque matinée de fantastique. Plongée au cœur d’un conte de fée qui vire au cauchemar. (Et qui dévoile, en partie, l’intrigue…)


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Aronofsky inscrit son œuvre dans un certain prolongement de The Wrestler : une caméra à l’épaule qui colle aux personnages (longs plans filmant le dos du personnage), un style quasi documentaire qui révèle les coulisses peu glamours d’un spectacle flamboyant (le catch / le ballet), une symbolique dans laquelle se fondent les protagonistes (le bélier pour Randy / le cygne pour Nina) au point de négliger tout le reste, une vie glorieuse mais éphémère plutôt que terne et sempiternelle.

 

Si Randy vivait dans une caravane pourrie en écoutant du hard rock, Nina baigne dans un univers de princesse, irréel et illusoire : une chambre rose bonbon parsemée de peluches, décor de petite fille refusant de grandir mais qui de princesse veut devenir reine. Un peu comme les artifices et les délires enfantins où se réfugient les « héros » de Requiem for a dream pour fuir la réalité. A la différence que Nina ne comble pas sa solitude et sa frustration sexuelle en se shootant à l’héro ou aux psychotropes mais au travail : acharnée et perfectionniste jusqu’au bout des ongles, elle répète inlassablement ses pas de danses dans le but d’atteindre la perfection. Poussée par son chorégraphe Thomas Leroy (Vincent Cassel, sous-exploité) à la faire passer du cygne blanc au cygne noir. Unique condition pour décrocher le rôle si convoité. Une discipline du corps poussée à son paroxysme dans le but de libérer son double maléfique (son « passager noir » aurait dit Dexter Morgan), de l’apprivoiser, puis de le transcender. De se transcender.

 

 

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Mais la lutte contre l’altérité n’est pas uniquement interne. Nina existe à travers les autres personnages clé du film. Sa mère (Barbara Hershey) voit en elle la carrière qu’elle n’a jamais pu atteindre, le succès juvénile rendant encore plus douloureux les échecs passés. Le cocon familial se révèle finalement oppressant lorsque la protection outrancière de sa mère devient étouffante et pathologique. Le côté obscur de Nina c’est aussi Lily (Mila Kunis, renversante), nouvelle ballerine et contre-point total à sa frigidité. Elle représente tout ce qu’elle désire secrètement : la liberté, le vice, l’ivresse, la sensualité, la fluidité, la perte de contrôle. Une relation mimétique qui va tourner à l’obsession sexuelle puis concurrentielle. Focalisée sur son rôle, Nina souhaite aussi égaler la performance de l’ancienne star du ballet, Beth MacIntyre (Winona Ryder), mais s’aperçoit, paniquée, qu’elle emprunte la même voie dévastatrice. En somme chacun des personnages représentent les doubles du conte : l’Ombre/Lily, Trickster/Leroy, la Reine/Nina, etc. Représentations trop facilement repérable ? Pas que…

 

 

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Le mystère qui entoure les personnages et l’ambigüité de la personnalité de Nina sont bien présents mais pas assez approfondis et trop vite dévoilés. On devine rapidement que Nina est en proie à une forme de démence relevant à la fois de la schizophrénie et de la paranoïa (on songe ici à Perfect Blue de Satoshi Kon). Que les visions d’épouvante qui la hantent sont des hallucinations de son moi sombre. Ce Némésis torturant le corps frêle duquel il voudrait s’échapper. Faiblesse dommageable : la dualité entre la part d’ombre et celle de lumière de Nina est trop appuyée et la coïncidence avec le conte trop marquée. On aurait aimé se perdre dans son labyrinthe psychologique sans réellement savoir ce qui, de la folie ou de la réalité, compose véritablement son être. D’où l’ambigüité vite démasquée. En somme, le doute n’est palpable que par instants et n’imprègne pas totalement l’atmosphère lourde du film.

 

 

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Mais ces petits manques de psychoses n’altèrent en rien la qualité extraordinaire de ce thriller psychologique. Aronofsky est coutumier du fait de rendre ses spectateurs mal à l’aise : en les plongeant dans un environnement paranoïaque de complot sous fond de mathématiques et théologie (Pi), de destruction personnelle et d’incommunicabilité (Requiem for a dream) ou de délires new age (The Fountain,  son moins bon film). A noter que dans Black Swan le dédoublement de personnalité s’illustre dans un continu jeu de miroirs (multiples, inquiétants, brisés) reflet de l’âme torturé de Nina nous faisant parfois sursauter. Malaise accentué par une pointe de surnaturel.

 

 

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En effet, des fulgurances fantastiques surgissent ponctuellement, redoublant la sensation de frisson déjà bien présente. Que se soit de façon onirique (l’introduction) ou de manière grotesque (non péjoratif) lorsque Nina se transforme, au sens propre, progressivement en ce qu’elle aspire à être : le cygne noir. Transformation physique aussi éprouvante que sublime lorsqu’elle atteint la perfection finale, le corps recouvert de plumes couleur ébène, les yeux injectés de sang, ayant enfin accepté son double maléfique. Et là, tout de suite, on pense à La Mouche de Cronenberg ! L’obsession maladive conduisant à une métamorphose radicale de tout son être. Mais la radicalité n’est pas aussi poussée chez Aronofsky qui préfère user de la métaphore pour illustrer la fusion artistique de Nina avec son rôle. Identification fusionnelle qui, lorsqu’elle atteint le zénith, correspond à la fin du voyage : mourir c’est s’accomplir. D’où la double conclusion que toute perfection est mortifère (l’essence même de l’homme est son imperfection) et qu’entre l’art et la vie il faut parfois choisir.

 


 

A n’en pas douter Darren Aronofsky signe un coup de maitre, filmé avec grâce. Une histoire de démon intérieur aux portes de la perdition, servie par une performance d’actrice en tous points exceptionnels. Et malgré un schéma narratif un peu trop balisé, on se laisse bercer par la douce mélodie de la folie imprégnant ce conte macabre où comme le dit le réalisateur lui-même « la magie rejoint l’horreur ».


Paraphrasant l’ultime sentence de Nina au seuil de la mort, le sourire aux lèvres : « C’était (quasiment) parfait ».


Sylvain Métafiot

 

Commentaires

 

Hou le bel article d'Isabelle Marchandier sur Causeur : http://www.causeur.fr/cygne-blanc-cygne-noir,8756

 

Bonjour,

Vous êtes cordialement invité à visiter mon blog.

Description : Mon Blog(fermaton.over-blog.com), présente le développement mathématique de la conscience humaine.

La Page No-25, THÉORÈME DE L'ÂME

LES MATHÉMATIQUES DE L'INSTANT PRÉSENT.

Cordialement

Clovis Simard

 

Très bon article du Doc, comme d'habitude, que je découvre cependant un peu tard : http://drorlof.over-blog.com/article-l-ennemie-dans-la-glace-67280323.html

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