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mercredi, 28 avril 2010

De part et d'autre de l'Atlantique (III)

Chapitre 3


Outrepassant ma volonté, j'ai ouvert les yeux. Faisant fi des rideaux d'une moitié amoncelés et de l'autre brutalement étendue, la lumière pénétrait le salon, bondissait des murs aux vases, des vases au plafond, puis vers la télévision ; du plafond vers les CD' retournés, de la télévision vers le pied de la lampe et ainsi de suite jusqu'à former, dans une toile instantanée de rayons parcourant le salon aussi vite que l'espace, un nuage d'intensité exogène s'incrustant entre les paupières, pour tirailler le nerf optique puis tous les autres jusqu'au réveil aussi difficile soit-il.

 


Je me suis levé du sofa. Je ne savais plus ni le jour, ni même l'heure. Assurément, plusieurs s'étaient écoulés depuis la mutinerie du bureau et la désertion qui s'en suivit. Motif d'accusation : flagrant délit de désentrepreneurship. La cour martiale qui jugea surement en première instance l'innocent présumé aura du le condamner à un congé maladie sans solde pour le clouer deux jours suivant au pilori du job center, au supplice du renoncement à toute prime d'ancienneté et au chemin de croix des listes d'annonces déclassées de job sous-payés.

 

C'est drôle comme les turpitudes sociales poussent plus facilement un individu dans un bouge enfumé, repère d'experts ès mutilation de parcours bavant sur le comptoir les théorèmes philo-poussifs ou crachant sur l'épaule de leur infortuné voisin quelque peu SM les déblatérations sur conjonctures psycho-économique. Le silence pour réponse. Un hochement de tête parfois pour taire les ardeurs du raté. Le plus souvent la levée du verre.

 

Alors qu'il s'agirait de passer chez le primeur ou de déambuler dans les halles, de respirer les effluves de fruits et de fleurs, en se certifiant leur fraiche origine paysanne et niant leur entrepôt de quinze jours en chambre froide ; en saluant le chocolatier et répondant au sourire de la vinicole ; en dégustant à la volée un morceau de tome française avant de rejoindre la terrasse du Market Coffee, National Geographic et petit noir équitable sur la table, rejoint avec hasard et bonheur par Sandra, voisine désirable et désirée.

 

Je me suis passé la main dans les ch'veux pour me souvenir du bouge. Je ne souhaitais pas rentré à la maison, n'avais pas envie d'aller à la bibliothèque et ne me sentais pas le goût d'acheter un billet de cinéma. J'ai pris une marche, depuis la 18ème et pour descendre, jusqu'à un pub au sous-sol d'un immeuble des années 40 sur la troisième. J'y suis entré pour une bière et quelques autres.

 

J'ai du y retourner. Je ne sais pas pourquoi. Je ne sais même plus ou ai-je zoné entre deux sessions de bières, de tabac passif et de musique poussive.

J'y ai rencontré Rosie. Rosie Cassidy. Je ne comprenais pas ce qu'elle faisait ici dans cette antichambre de la salle des cordes. Elle réussissait, elle, mais ce souvenait du bon temps qu'elle y passait avant qu'il ne devienne avec le nouveau propriétaire, ancien barman exproprié de New-York, un taudis à idées noires.

 

Rejointe par quelques amis, je répondis à son invitation à parcourir les hauteurs de Philadelphie. Je l'ai fait plus ou moins ivre. Eux me donner l'impression, sinon de l'être, de m'autoriser à le devenir autant que bon me semblait.

Je me suis dirigé  vers la cuisine, m'y prépara une tasse de café pressa deux oranges pour m'empresser d'en boire le jus. Je me suis débarbouillé le visage, saisi la tasse de café et l'escalier de fer juste après pour me retrouver sur le toit.

 

La ville calme, un dimanche matin.

Je sors une cigarette du paquet de Pall Mall que j'avais laissé dans le tiroir de la table il y a de cela plus de quatre mois. La première bouffée m'est agréable. Les volutes se dissipent rapidement sous l'effet du vent. Je plonge mon regard vers l'océan, peut importe ces sept dernières années, peut importe cette dernière semaine, la chemise ondulante, les cheveux virevoltants, je tire une autre bouffée et je me lance : Let's go to London !


Bertrand Colin

 

 

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