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samedi, 11 juillet 2009

Braquage à l’américaine

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Il y a les films de braquage et les films sur les braqueurs. Chacun, dans leur catégorie, peuvent produire de véritables chefs-d'œuvre : Un après-midi de chien de Sydnet Lumet pour le premier genre, Heat de Michael Mann pour le second. Après avoir donc réalisé un des meilleurs films de la décennie 90 et du cinéma en général, Michael Mann (treize ans de carrière punchy au compteur) nous offre une nouvelle story de gangsters, mais point de Los Angeles contemporain ici-bas : nous sommes dans les années 1930, à Chicago - période emblématique du gangstérisme américain - sur la trace des Public enemies. En adaptant un roman de Brian Burrough retracant l'itinéraire mouvementé de John Dillinger (Johnny Depp), l'un des plus illustres braqueurs de banque des années 30 et la tentative du gouvernement et de l'agent du FBI Melvin Purvis (Christian Bale) d'arrêter Dillinger et son gang, Mann ressuscite - grâce à son savoir-faire et au numérique - une légende noire (munie d'une mitraillette Thompson 21 DC à compensateur Cutts) d'une élégance sans faille, malgré un certain manque de rythme.


La reconstitution du Chicago des années 30 est d'une précision millimétré, mais davantage au niveau du cadre spatio-temporel (l'architecture, le style vestimentaire, les voitures, les guns, etc.) que du contexte quelque peu relégué au second plan (même si la guerre de Hedgar J. Hoover contre le crime et la crise économique de l'ère Roosevelt sont présent). Mann est connu pour remodeler les genres cinématographiques en leur donnant un style bien à lui : il injecte donc du sang neuf dans le film en costume à la manière d'un virtuose réinventant des codes trop longtemps empêtrés dans le train-train hollywoodiens. « J'aime me pénétrer de l'esprit du décor » avoue-t-il.

 

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En se concentrant sur son personnage principal, la tension scénaristique graduelle se construit en éclipsant un peu, et à regret, les protagonistes secondaires. Pourtant, l'agent spécial du tout nouveau FBI et la compagne de Dillinger ne manquent pas d'intérêt, loin de là. L'histoire d'amour que vit (Marion Cotillard) est totale et forcément dramatique. Cette dernière est le point faible de l'intrigue, moins travaillé et plus superficiel que le reste de l'intrigue. Mann a toujours eu plus de talent pour filmer les hommes. Johnny Depp joue impeccablement un gangster compétent et classe, habitué à garder son calme même dans les situations les plus explosives. Selon Mann « Il est le produit d'une ère désespérée ». La galerie de voyous qui accompagne Dillinger est, par ailleurs, pittoresque : Baby Face Nelson, Homer Van Meter, Pretty Boy Flod, Franck Nitti, etc. Les stars du grand banditisme en costard cravate et borsalino sont au rendez-vous.

 

Désormais habitué du numérique HD depuis Ali en 2002 (souvenez-vous du sublime Collatéral et du nerveux Miami Vice), Mann crée de nouveau une atmosphère qui colle au réel et qui permet des scènes extraordinairement orchestrée : celle de la fusillade dans les bois, à la fois brutale et haletante, en constitue le parfait exemple. Grâce à sa maîtrise technologique et artistique, Mann semble justement décupler ses capacités lors des extérieurs nocturnes : la fraicheur de la nuit dissimulant une ambiance électrique. Le film aurait cependant gagné en immersion et en intérêt grâce à un rythme plus soutenu et une bande-son davantage énergétique. La musique minimaliste s'insère parfaitement par moment mais pêche par excès. De plus, malgré la succession des braquages dans l'Indiana, l'Ohio, le Wisconsin, le Dakota du sud, etc. propices à de nombreux rebondissements, l'action apparait quelque peu répétitive.public-enemies-promo6.jpg

 

A l'instar du cultissime Heat, on retrouve la confrontation entre deux forces antinomiques, différentes dans les motivations mais semblables dans la volonté farouche d'atteindre leurs buts. Sans atteindre le brio de la rivalité entre De Niro et Pacino, l'affrontement entre Johnny Dep et Christian Bale est néanmoins passionnante et trépidante. Là où le flic fédéral essuie les échecs consécutifs et doit user de méthodes d'interrogatoires de plus en plus déplorables, le hors-la-loi est glorifié par la populace et la presse, élevé au rang de gentleman cambrioleur moderne (il reprend une réplique prononcée par De Niro dans Heat). Ce qui témoigne de la fascination des américains pour les affranchis. La sympathie va d'emblée au voleur classe (« J'aime que mes personnages aient de la classe » dixit Mann) qu'au policier buté au gré du recoupement de leurs trajectoires respectives. La fin tragique, qui semblait inévitable, procure un pincement au cœur non feint.


 

 

La vie courte mais intense de Dillinger fut déjà adapté au cinéma par Max Nosseck en 1945 avec Lawrence Tierney dans le rôle titre (Dillinger), par Robert Conrad en 1979, et également par John Milius avec Warren Oates en 1973. Mann se rapproche plus de ce dernier long métrage de par son dynamisme même si le lyrisme aurait pu être plus conséquent. Il fait néanmoins preuve d'inventivité délectable en filmant la réflexivité de son héros lorsqu'il prend conscience de devenir une icône du cinéma en temps réel lors du visionnage de Manhattan Melodrama (avec  Clark Gable et Myrna Loy) au Biograph Theater en 1934. Le thème du miroir peut également être perçu dans le fait que la Grande dépression des années 30 renvoie à la crise économique contemporaine. Finalement, ce polar historique ultra-maîtrisé, vif, tendu et à la mélancolie susurré prouve que Michael Mann est l'un des meilleurs réalisateurs américain en activité.

 

 

Sylvain Métafiot

 

Commentaires

 

Je te conseille effectivement d'aller voir ce film, pour toutes les raisons que tu as énoncé.

J'adore la sentence de Capone, un peu dans le même registre que "je vais lui faire une offre qu'il ne pourra pas refuser" de Vito Corleone du "Parrain" de Coppola.

Par contre, pour ce qui est de la ressemblance avec Depp, celle-ci se résume au pauvre chapeau qui orne ma tête vide. Pas plus ^^

 

Au encore dans le même genre : "je lui ais laissé le choix sur ce qui serait au bas de contra... sa signature ou sa cervelle."

Bref un film extraordinaire a mon sens (eh oui, je suis fan de cette ambiance des gangsters classes des années 20-30.... Et de Johnny Depp bien évidement !!!! Sans oublier Christian Bale qui joue très bien son rôle!) qui m'a accroché du début à la fin!

Mais qui m'a fais me poser quelques questions...pourquoi je me sentais plus volontiers du côté de Dillinger que de la police et de cette société dont il braquait les banques ? (surtout lors de la scène au restaurant... ou encore pendant les scènes de torture...). Bref un film a se demander, au font, qui sont vraiment les méchants!?

a plush !!!!! ^^

PS: Sylvain est en effet très proche dans sa tenue vestimentaire de Dilliger ^^

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