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jeudi, 09 octobre 2008

Le sophisme du chauve

Inventé par le Mégarique Eubulide de Milet, ce sophisme est si connu qu’on l’appelle simplement le chauve.


On arrache un cheveu à la tête d’un homme. Celui-ci est-il devenu chauve ? Bien sûr que non. Enhardi, on arrache donc un deuxième cheveu. Cela ne suffit pas davantage à rendre chauve le bonhomme. Puis, un troisième cheveu est arraché, et ainsi de suite, dans une espèce de progression sauvage ignorant tout frein moral. A partir de quel moment peut-on dire que le type est devenu chauve ? S’il faut attendre le dernier cheveu, alors personne n’est réellement chauve (il reste toujours quelque herbe folle sur la tête des plus systématiquement dégarnis). Mais, d’un autre côté, si l’on est chauve malgré quelques cheveux restants, quel est au juste le cheveu (son rang dans la série) qui permet d’établir la distinction entre le chauve et le chevelu ? Si l’on dit, par exemple, qu’avec 25 cheveux on est chevelu, mais qu’avec 24 on est chauve, alors un seul cheveu (le 25e d’après notre exemple) arraché suffirait à rendre chauve. Mais on entre alors dans une contradiction car, jusqu’à présent (c’est-à-dire lorsqu’on a entrepris ce travail assez fastidieux et passablement cruel d’arracher les cheveux), on avait reconnu qu’un seul cheveu ne changeait en rien l’état de la tête.

 

chauve.jpg

 

Le sophisme du chauve, qui semblera particulièrement tiré par les cheveux à plus d’un bénévole, met aussi en évidence la rupture et même l’étrangeté qui existent entre le vocabulaire de la quantité (un, deux, trois…) et celui de la qualité (grand, petit, chauve, chevelu…). Dans la vie quotidienne, nous désignons par des mots simples des évidences sensibles telles que : untel est grand, celui-là est chauve. Nous serions évidemment bien en peine de fixer la limite exacte qui, à nos yeux, sépare le grand du petit et le chauve du pas chauve. Pourtant, cette limite doit bien exister.


Sylvain Métafiot


(Vous avez reconnu le charmant personnage de la photo ? Si oui, vous êtes d’enfer)