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jeudi, 15 janvier 2009

La démocratie des juges ?

Giovanni_Falcone.jpgUn peu d’histoire politique. Avez-vous entendu parler du grand nettoyage de la magistrature italienne, lors de l’opération Mani pulite (mains propres) ? Cela fit émerger un vaste réseau de corruption impliquant le milieu politique, des affaires et de la mafia.


La dénonciation de la corruption politique par la magistrature italienne a débuté en février 1992, par l’arrestation de Mario Chiesa (photo 2), le directeur d’une maison de retraite milanaise accusé de recevoir des pots-de-vin pour le compte du parti socialiste italien (PSI). La collaboration de Mario Chiesa avec les magistrats milanais, notamment le juge Antonio Di Pietro, a permis de dévoiler l’ampleur des mécanismes illégaux de financement des partis politiques. Les enquêtes de Mani Pulite se sont étendues à l’ensemble des partis politiques, notamment les partis de gouvernement (DC et PSI), mais aussi, dans une moindre mesure, à l’ex Parti Communiste Italien. Elles ont impliqué un grand nombre d’administrateurs locaux et de responsables de grandes entreprises (dont Silvio Berlusconi). Celles-ci ont commencée à conclure des « accords transversaux » avec des politiciens, dans les années 1980, afin d’influer sur les lois les concernant. Comme le regrette un juge, ce vieux système bafoue allégrement le « principe fondamental de la transparence administrative ».

 

Le fait le plus courant était de recevoir de l’argent pour favoriser une entreprise plutôt qu’une autre. Sur le plan politique, il s’agissait de financements privés non publics. Certains des plus importants dirigeants des partis historiques italiens ont été mis en cause par la magistrature : parmi les plus connus, le démocrate chrétien Giulio Andreotti, accusé de collusion avec une association mafieuse, ou le leader socialiste Bettino Craxi, accusé de corruption et d’enrichissement personnel. Face à ces lourdes accusations, les politiciens et les entrepreneurs adoptèrent une ligne de défense différente.

 

Quand les premiers justifiaient ces pratiques par un pragmatisme politique et par le fait qu’elles étaient adoptées et acceptées par l’ensemble des acteurs du système (« Tout le monde savait, mais personne ne parlait » dixit Craxi) ; les seconds se posaient en victime de pots-de-vin imposé par les hommes politiques. Cependant, cette contrainte fut fictive car « les entrepreneurs trouvaient beaucoup d’intérêts a ce dispositif » : en « arrosant » les partis politiques ils obtenaient les appuis de ses membres. Ce combat contre la corruption avait déjà débuté dès les années 1970 lorsque les juges luttaient contre la mafia et le terrorisme. Certains sont morts, tel que Giovanni Falcone (photo 1), en léguant aux jeunes magistrats un ensemble de valeurs afin de combattre les « maux généraux » de l’Italie. Ce nouveau scandale révéla l’écart béant entre les normes légales et les pratiques.


chies.jpgLes juges ont démontés un à un les rouages de ce mécanisme illégale et illégitime, symbole de la realpolitik italienne, en s’appuyant sur des convictions d’éthiques publique, démocratiques et républicaines. Mais, leurs actions ne furent pas seulement morales et judiciaires : elles influèrent aussi sur le politique. Ils ont participé à la reconsidération de la légitimité du système politique et de l’Etat de droit italien.

Dans Démocratie et corruption en Europe, Donatella Della Porta et Yves Mény mettent en relief la corruption entre politiciens et parrains de la pègre. Le crime organisé fait partie de la dynamique de la corruption en Italie. Dans quatre régions italiennes au moins, on note la présence de groupes mafieux : Cosa Nostra (notre chose) en Sicile, Ndrangheta en Calabre, Sacra Corona Unità dans les Pouilles et Camorra en Campanie. Mais, corruption politique et Mafia sont des phénomènes bien distincts. L’une et l’autre peuvent croître en toute indépendance. Le terrain sur lequel les intérêts des hommes politiques et des mafieux se rencontrent peut-être décrit comme un marché occulte où s’échange : protection, mesures d’intérêts public, informations secrètes, usage de la violence et de l’intimidation.

 

On a ainsi assisté à de nombreuses implications judiciaires d’hommes politiques de premier plan. Giulo Andreotti, plusieurs fois Premier ministre, fut soupçonné de collaboration avec Cosa Nostra. Cela alimenta les dénonciations de « l'ancien régime » et justifia l’action de ceux qui cherchaient à rénover et à «moraliser » le système politique. Pourtant, comme le rappelait le juge antimafia Giovanni Falcone, en 1991, avant qu’il soit assassiné en mai 1992 : « La Mafia ne s’engage pas volontiers dans l’action politique. Les Problèmes politiques ne l’intéressent que dans la mesure où elle se sent directement menacée dans son pouvoir et ses sources de revenus ». Comme tous les autres marchés illégaux, le système de la corruption connaît des problèmes de méfiance réciproque. Les droits de propriété sur les pots-de-vin et les bénéfices publics échangés ne sont pas toujours définis avec précision, les documents écrits étant, pour le moins, déconseillés. La corruption transforme l’exercice de l’autorité publique en sorte « d’industrie du pouvoir », selon Alberto Vannucci : les fonctionnaires corrompus offrent contre des pots-de-vin des décisions en matière d’attribution de droits de propriété sur des rentes politiques.

Sylvain Métafiot

 

Commentaires

 

On peut effectivement faire le lien avec le récent film Gomorra http://www.mapausecafe.net/tag/camorra même si ce film ne nous apprend quasiment rien sur cette mafia.

Quand à Roberto Saviano, le talentueux et courageux journaliste ayant enquêté sur la Camorra (et dont le film s'inspire) vous pouvez le retrouvez en interview dans l'excellente émission Métropolis (Arte) : http://www.arte.tv/fr/Videos-sur-ARTE-TV/2151166,CmC=2009224.html

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