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lundi, 25 octobre 2021

Le philosophe dans l’arène : Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j’y fasse ? de Gunter Anders

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Philosophe allemand (puis autrichien) ayant traversé les pires décennies du Xxe siècle, Günther Anders (1902-1992) fut l’un des intellectuels engagés contre tous les systèmes d’oppression – en premier lieu le nazisme – les plus importants de son temps. Ses thèses sur les méfaits des nouvelles technologies, les manipulations de masse et la bombe atomique firent florès dans les sphères de gauche contestataires et technocritiques au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

 

Ce texte paru aux éditions Allia est extrait d’un livre d’entretiens réalisé par le journaliste Mathias Greffrath en 1977 avec diverses personnalités ayant fuit l’Allemagne en 1933 lorsque l’air y était devenu proprement irrespirable. Anders y retrace son parcours intellectuel, les cours suivis auprès de Husserl et Heidegger (dont il lui reprocha ses préjugés racistes ainsi que sa conception « végétale » de l’individu), sa vie en compagnie d’Hannah Arendt, son amitié avec Brecht qui lui trouva un emploi dans un journal viennois, ses relations avec Stefan Zweig et Alfred Döblin lors de sa fuite à Paris, etc.

 

Se remémorant la période sombre de l’Allemagne, il commence par expliquer que « L’un des principes de la politique du Führer national-socialiste était de faire disparaître toute trace de conscience de classe ». Pour cela, le régime offrait aux prolétaires et autres victimes du système, outre le statut d’aryens, des boucs-émissaires sur lesquels reporter leurs frustrations et leurs haines : les Juifs. Cette instrumentalisation laissait croire aux esclaves qu’ils étaient des seigneurs au lieu de se liguer contre le véritable oppresseur. Cet antisémitisme d’État ayant cumulé dans l’extermination de masse des Juifs d’Europe.

 

Exilé aux États-Unis avec ses compatriotes de l’École de Francfort (Adorno, Marcuse, Horkheimer) il donne des cours à la New School for Social Research, analysant des lieder de Schubert ou des peintures de Rembrandt devant des étudiants principalement obsédés par les concepts psychanalytiques. Il déplore cependant le vide de culture générale chez les universitaires du pays : « Là-bas, on n’était reconnu comme quelqu’un de sérieux que si, en dehors d’une seule spécialité très pointue, on ne savait rien. Le manque de culture générale était un critère de sérieux. Nos idiots de spécialistes européens font vraiment figure d’esprits universels, à côté. »

 

Dans un passage éclairant, il relate notamment les quatre césures qui ont fractionnées sa vie et l’on contraint, moralement, à s’engager politiquement : la Première Guerre mondiale à l’âge de quinze ans ; l’arrivée d’Hitler au pouvoir ; l’annonce des camps de concentration ; la bombe larguée sur Hiroshima, enfin, dont la monstruosité lui fit perdre ses mots d’écrivain. Devant ce fait nouveau que « l’humanité était devenue capable, de manière irréversible, de s’exterminer elle-même », le philosophe considère que la faute majeure réside dans le manque d’imagination, dans ce décalage entre notre capacité de production (le Zyklon B, les armes nucléaires) et notre capacité d’imagination (le génocide des Juifs d’Europe, la destruction du monde) : « Même si l’imagination reste seule insuffisante, entraînée de façon consciente elle saisit infiniment plus de ‘vérité’ que la ‘perception’. »

 

Et devant la menace imminente de la bombe atomique, Anders (qui, dans cette optique précise, se revendiquait comme un « conservateur au sens authentique ») considère, à l’instar d’Albert Camus, que la tâche première n’est pas tant de transformer le monde que de le préserver. « Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. »

 

Sylvain Métafiot

 

Article initialement publié sur Le Comptoir

jeudi, 24 juillet 2008

Danger nucléaire : une réalité

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Après les fuites radioactives dans les centrales nucléaires de Romans-sur-Isère et du Tricastin, le gouvernement assure que tout risque est écarté et se fait le chantre de la transparence. Seulement, on se souvient des essais d’explosions atomiques au Sahara et du nuage de Tchernobyl qui s’arrêta à la frontière. Ces jeux d’acteurs auraient mérités des oscars.

 

Aujourd’hui, le directeur de la filiale d’Areva au Tricastin vient d’être viré, et Jean-Louis Borloo veut contrôler les nappes phréatiques autour de toutes les centrales. Bien, bien, bien… Ce même Jean-Louis, ainsi que le reste des autorités, nous ont assurés que cet incident (74 kg d’uranium relâchés dans la nature tout de même) était de niveau 1 et qu’il ne fallait pas s’inquiéter outre mesure. En effet, l’ASN (l’autorité de sûreté nucléaire) classe les évènements nucléaires par ordre de gravité selon l’échelle internationale Ines, qui va de 0 à 7. Des « anomalies » de niveau 1, il y en aurait des centaines par an en France. Le journaliste du Canard Enchaîné, Jean-Luc Porquet, a ainsi recensé 896 « anomalies » (dont 86 cette année). Petit échantillon :

 

  • " Le 6 mai dernier, à la centrale nucléaire de Dampierre, un bouchon de protection saute, 35 mètres cubes d’eau « faiblement contaminée » se déversent, mais sont récupérés. "
  • " Le 17 avril à la Hague, deux techniciens, après avoir changé un filtre usagé, ôtent leurs masques, hop, les voila contaminés. "
  • " Le 5 novembre dernier, la centrale de Civaux envoie par la poste un colis contenant quatre détecteurs ioniques de fumée possédant chacun une source radioactive "
  • "Le 20 octobre 2006, à la Hague, deux opérateurs, ayant chacun plus de 20 ans d’expérience, font sauter, sur ordre, un cadenas au coupe-boulons. Lequel avait été posé 10 ans plus tôt lors d’un incident… Catastrophe : le tuyau est en surpression, des poussières radioactives leurs sautent au visage, l’un deux est aujourd’hui en dépression ; tous deux cherchent à accéder à leur dossier médical, ce qu’on leur refuse. "

 

 

nucleair funny.gifDe son coté, Antonio Fischetti, journaliste scientifique à Charlie Hebdo, s’interroge : « s’il n’y a aucun problème avec l’atome, pourquoi coller en garde en vue les militants de « Sortir du nucléaire » qui rendent publiques des informations auxquelles tout citoyen devrait avoir accès ? Pourquoi le sale boulot dans les centrales est-il effectué par des intérimaires qui se font contaminer à la place des salariés ? Pourquoi attendre des heures ou même des jours avant d’informer la population d’un incident ? Et encore, tout ça n’est rien à coté d’une future (et certaine) fuite radioactive dans l’une de ces belles démocraties, tels que la Libye, la Chine ou les Emirats arabes unis, que Sarkozy est en train d’arroser de centrales.

 

Si les apôtres du nucléaire ont gagné des points en parant cette énergie d’une étiquette écolo grâce à l’absence de gaz à effet de serre, ils ont encore bien du boulot pour nous prouver qu’elle est démocratique »

 

Et vous ? Etes-vous favorable à l’énergie nucléaire ? Aux énergies renouvelables ? Ou a un « compromis » des deux ?

 

Sylvain Métafiot