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dimanche, 27 octobre 2019

Un sadisme vertueux ? Contes libertins du marquis de Sade

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Article initialement publié sur Le Comptoir

 

La question peut paraître incongru tant on a fait du divin marquis – dont les textes étaient solidement ancrés dans les théories matérialistes et scientifiques des Lumières – le destructeur le plus radical de toute la morale chrétienne, foulant aux pieds les institutions et les bonnes mœurs, mettant à nu les justifications de tous les crimes possibles : une fois le vernis de la civilisation passé à l’acide ne reste que l’expression des désirs naturels, des plus tendres au plus meurtriers. Comme le dit Philippe Roger, Sade est « un auteur gai, comme on peut l’être quand on piétine toutes les plates-bandes d’une ancienne société, pour y camper une parole neuve, une jeune insolence, un gai savoir. »

 

Et pourtant, l’imaginaire noir et la violence ne sont pas les seuls thèmes chers à l’auteur Sade. Il fut aussi un « expert dans le maniement de l’écriture brève et du comique« , la farce damant le pion à l’effroi au moment de sa vie où il fut en quête de respectabilité littéraire. À l’aube du XIXe siècle, Sade cherchait davantage à séduire le lecteur qu’à le choquer. C’est que nous apprend Stéphanie Genand dans la précieuse préface de l’édition de ces Contes Libertins aux éditions Garnier-Flammarion. La surprise est étonnante : sans jamais négliger sa plume sublime, toujours d’une grande délicatesse (y compris dans ses romans les plus terrifiants), Sade raconte des fables où maris cocus, femmes infidèles, prêtres délurés et autres gais lurons sont plongés dans des situations rocambolesques censées édifier les consciences. Sont ainsi prônées le respect des vertus telles que la pudeur, la piété, la tempérance, la fidélité, la bienfaisance, la pitié, la prudence, l’amour du bien et de la vérité (les mêmes vertus qui seront sévèrement punies par la providence dans l’histoire de Justine…). Il faut donc distinguer, pour reprendre la métaphore de Jean Roussel, le versant diurne de Sade soucieux de notoriété et de visibilité, de ses écrits de la nuit publiés anonymement et qui lui valurent la prison.

 

S’inspirant autant de Diderot, Boccace, Mirabeau, que des romancières expertes dans la forme courte (Mme de Gomez, Mme de Tencin ou Mlle de Lussan), ces quatorze récits composant ce recueil introduisent l’ambivalente « plaisanterie » des Lumières qui, comme le rappelle Stéphanie Genand « loin d’introduire la confusion, épouse au contraire la richesse du projet sadien : entrelacer le rire et la mort, la joie et la frustration, le carnaval gaulois et la soif de reconnaissance ». Le comique sadien transforme ainsi la légèreté en art noble.

 

Sylvain Métafiot

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