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dimanche, 28 mai 2017

Porter le regard au-delà des limites

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Pour ma part, et ne pouvant parler qu’en mon nom propre, mon individualisme forcené m’empêche de prendre part à une quelconque révolution collective, qu’elle soit socialiste, citoyenne, insoumise, rétro-libertaire, post-vegan, ultra-numérique, néo-millénariste, rouge-ciel ou bleu-moutarde. Non pas que je décourage l’initiative (et encore moins les propositions de mes camarades) mais il est difficile de se donner des principes plus forts que son caractère quand celui-ci a l’héroïque consistance d’une paresseuse limace à l’assaut d’une petite feuille de laitue. De sorte que je ne peux accorder à ma révolte qu’un statut d’ordre strictement personnel.

 

À l’orée de cette nouvelle ère Macroniste (mélange d’arrogance libérale, de progressisme béat et de vide spirituel), d’aucuns se reconnaîtront peut-être dans ce sentiment accablant. Quitte à risquer l’auto-critique en place publique. En effet, accordant plus d’importance à mes goûts esthétiques qu’à mes maigres convictions politiques, j’estime Manfred, Jean des Esseintes et Oblomov de meilleure compagnie que Marx, Proudhon ou Sorel.

 

« On a cru voir en moi un anarchiste affilié à je ne sais quelle bande, alors que je suis un solitaire et doux rêveur ennemi de la vermine et toujours armé pour la combattre », précise un condamné à mort chez Léon Bloy.

 

Taraudé par mes contradictions intimes et foin d’une radicalisation “j’men-foutiste”, je consacre ainsi une bonne part de mon énergie à cultiver un mépris d’acier envers les ambitieux et les cuistres, les vertueux et les demi-habiles, les sectaires et les lâches. Soit mes semblables, mes frères. Et, comme on dit dans les livres, la famille s’est sacré. De sorte que l’amour des miens constitue un antidote à mes accès de cynisme. Je dois donc m’y résoudre : je ne suis pas à la hauteur de ma misanthropie. Même si la sensation d’être étranger au temps présent persiste. « Nous autres enfants de l’avenir, se demande Nietzsche, comment pourrions-nous êtres chez nous dans pareil aujourd’hui »

 

Alors que faire ?

 

Peut-être penser contre soi-même lorsque l’air est saturé de certitudes idéologiques, désirer le Sublime là où l’Utile règne en maître et, plus généralement, opposer de la résistance à toute son époque. Voilà ce que j’appelle “prendre les armes”. En somme, vivre contre son temps, demeurer inactuel et désinvolte.

 

Rude tâche pourtant que d’aller voir ailleurs pour y trouver du nouveau tant l’horizon est bouché par la lourde enceinte sur laquelle la “Réalité” a tyranniquement gravé ses lettres. Malheur à qui préfère la légèreté d’une valse d’étoiles à étoiles que l’accoutumance gluante au royaume de la médiocrité.

 

Il ne semble pourtant n’y avoir d’autre urgence que de fracasser ce mur pour entrevoir les possibilités infinies de l’inconnu qui se cache derrière.

 

Sylvain Métafiot

 

Cette tribune a initialement été publiée dans un article collectif du Comptoir, à la suite de l'élection présidentielle française 2017

mardi, 16 mai 2017

Kubrick et le fantasme de la destruction

 

 

Porté par un sens aigu de la précision et un souci de la vérité, Stanley Kubrick n’a cessé de se renouveler de films en films, explorant des genres à ce point différents que le nouveau semblait nier le précédent, tout en établissant une nouvelle référence dans le domaine en question (science-fiction, film historique, de guerre ou d’horreur). Une originalité constante qui se conjugue avec la récurrence de thèmes forts. Ainsi du lien tenace qui unit l’amour et la mort, auquel se mêlent les volutes hallucinantes du rêve et du fantastique.

 

kubrick 2.jpgDans la filmographie de Kubrick, la valse d’Eros et Thanatos se danse sur tous les temps : dans la relation trouble du couple du Baiser du Tueur ; dans le rabaissement du gangster George Peatty par sa femme dans L’Ultime Razzia ; dans la déclaration d’amour de Varinia au pied de la croix de Spartacus ; dans les chansons sentimentales sur fond d’holocauste nucléaire de Dr. Folamour ; dans le désir de vengeance meurtrière d’Humbert Humbert dans Lolita ; dans le déchaînement de sexe et de violence d’Orange mécanique ; dans la destinée tragique de Barry Lyndon ; dans la dévotion amoureuse que les soldats portent à leur fusil dans Full Metal Jacket… Une thématique qui devient centrale dans les drames familiaux que sont Shining (1980) et Eyes Wide Shut (1999). Du basculement horrifique d’une famille typique américaine aux déchirements sentimentaux d’un couple “normal” se joue le même surgissement des pulsions destructrices.

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