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lundi, 22 mars 2010

ces larmes qui n'auront jamais les armes

Ces larmes que n’auront jamais les armes.

article de Sonny Bourreau / lookingforsomehope.com

19 03 2010

 

Menace terroriste, conflits qui s’internationalisent, volonté d’apparaitre comme une véritable puissance militaire ou simple paranoïa des Etats, l’industrie de l’armement est en pleine expansion. À tel point que nous assistons depuis une dizaine d’années à un doublement des dépenses mondiales liées à l’armement. Les chiffres en question suffisent à donner le tournis tant ils sont pharamineux, et concernent l’ensemble des Etats, qu’ils soient pauvres ou riches, empêtrés dans un conflit ou non. Décryptage de l’un de ces sulfureux marchés qui gangrènent notre Monde.


 

Des chiffres et des dollars.

Il faut entendre par « armement » tout ce qui se réfère au matériel militaire, allant des armes légères les plus accessibles jusqu’aux fusils mitrailleurs, les munitions qui les accompagnent, mais aussi les bombes, mines, et autres missiles dans toutes leurs diversités, pour enfin finir sur ce qui transportent et lancent ces derniers, à savoir les avions, les hélicoptères, les drones et les chars.
On estime ainsi que ce marché a généré à l’échelle mondiale 1200 milliards de dollars en 2007, et que ces ventes d’armes ont augmenté de 22% sur la période 2005-2009 par rapport aux cinq années précédentes.


S’agissant uniquement des armes dites légères, on en recenserait pas moins de 700 millions en circulation. Rajoutons à cela que 14 milliards de balles sont produites chaque année, soit deux par être humain. Enfin, ces armes légères contribuent à causer la mort de mille personnes par jour.
L’actualité française récente a aussi fait état d’un triste record puisque les ventes d’armement à l’étranger ont connu une net progression de 21 % en 2009, pour atteindre les 8 milliards d’euros, avec l’objectif affiché du gouvernement d’atteindre les 10 milliards d’euros en 2010. Quant à l’Allemagne, elle a doublé ces cinq dernières années ses exportations d’armes et vient de se hisser à la troisième place mondiale des exportateurs, devant la France et le Royaume-Uni, mais reste loin derrière les États-Unis.
Enfin, à titre d’information et de comparaison, le budget français réservé à la Défense plafonne autour des 30 milliards d’euros, tandis que le budget américain alloué à ce même domaine avoisinerait pour 2010 les 550 milliards de dollars ( soit 400 milliards d’euros). Dans ce budget, 5 milliards sont alloués au développement des drones.

Sans foi ni loi.

Cette course effrénée par les Etats du Monde n’est pas sans conséquences. Aussi méconnu qu’il soit, le marché à l’armement n’en reste pas moins l’un des marchés les plus lucratifs au monde. C’est ainsi que des réseaux parallèles et illégaux ont vu le jour, notamment depuis l’implosion de l’Empire soviétique, cédant aux plus offrants de ces trafiquants en devenir kalachnikovs, chars, et hélicoptères, parfois par containers entiers.

 

 

 

Le plus connu de ces opportunistes reste certainement le russe Viktor Bout, que l’on désigne aussi sous le nom de « marchand de mort ».
Sans aucun remord, Viktor Bout, aujourd’hui arrêté en Thaïlande et en attente d’extradition, a contribué à alimenter en armes les conflits les plus meurtriers de la dernières décennie du XXème siècle, comme au Sierra Leone et au Liberia avec Charles Taylor, en Angola pour l’UNITA ou encore au Soudan, en Afghanistan pour les Talibans ou pour les FARC en Colombie, tout en contournant habillement les embargos imposés par l’ONU. Avec le même culot, le marchand de mort participa avec le PAM (Programme Alimentaire Mondial) dans des opérations humanitaires de grande envergure en mettant à disposition ses moyens logistiques, tel qu’il en a été le cas en Somalie, au Rwanda, ou encore après le tsunami de 2006 en Indonésie.

Cet engouement pour l’armement nous conduit par ailleurs à des contradictions les plus totales. L’Institut International de Recherche pour la Paix (SIPRI), basé à Stockholm vient ainsi de révéler que nombre de pays dont les populations souffrent de graves troubles alimentaires ont eu recours à des achats d’armes, bloquant ainsi de façon certaine les retombées économiques favorables au développement et aux améliorations alimentaires, sociales et sanitaires. Citons à titre d’exemple le Brésil, qui ne parvient toujours pas à se défaire de la sous-nutrition dans les zones rurales, mais qui pourtant s’apprête à acquérir 36 avions de combat. Il en est de même pour l’Asie du sud-est, où les importations d’armes depuis 2000 ont augmenté de 84 % en Indonésie et de 722 % en Malaisie.
L’achat d’armes par les Etats peut aussi servir à entretenir un macabre marché d’exploitation, tel qu’il en a été le cas en Sierra Leone et au Liberia, où les diamants de sang servaient notamment à financer l’armement des guérillas. Citons aussi l’exemple des talibans en Afghanistan, qui après avoir interdit la culture du pavot se servent de celle-ci depuis 2001 pour financer leur résistance et alimentent de la même manière l’approvisionnement en héroïne de l’Europe. Enfin en République Démocratique du Congo, les groupes armées se fournissent en armement auprès des Etats occidentaux en leur revendant leurs minerais utilisés notamment dans le domaine de l’électronique, au détriment des populations avoisinantes.

Ces armes destinées à rugir en temps de conflits ne sont pas non plus réservées qu’au seul usage des adultes. Dans certaines régions du monde, des enfants ont combattu ou combattent encore au coté de leur supérieurs adultes, kalashnikov, grenade ou lance-roquette à la main. Il était possible ces dernières années de les trouver en Iran durant la guerre Iran-Irak, au Liberia menés par Charles Taylor, au Sri Lanka sous la bannière des Tigres Tamouls, en Colombie avec les FARC, comme il est encore possible aujourd’hui de les voir se battre en République Démocratique du Congo, en Somalie, en Afghanistan et dans bien d’autres contrées du Monde.
Dans certains pays toutefois, les enfants ne connaissent pas le maniements des armes seulement en temps de guerre. C’est le cas de la Russie, qui dans le cadre de son groupe d’intervention d’élite du SPETSNAZ, recrute des adolescents en vue de les intégrer définitivement à leur majorité, et leur enseignent à travers divers entrainements les rudiments de la manipulation des armes, les différentes techniques de camouflage et de patrouilles, les méthodes de résistance à la torture, le combat au corps à corps

Dommages collatéraux.

Les armes, en temps de guerre ou à la suite d’un conflit, ne laissent pas de trace qu’au seul moment de leur utilisation. Ce sont en réalité de véritables bombes à retardement, qui peuvent briser plusieurs générations, tant psychologiquement que génétiquement. C’est ainsi que plusieurs dizaines d’années après la guerre menée au Vietnam, les armes chargées d’un agent toxique – l’agent orange – utilisées à l’époque ont toujours des conséquences désastreuses sur les populations actuelles. Il a ainsi été relevé d’innombrables cas de cancer des poumons et de la prostate, de maladies de la peau, du cerveau et des systèmes nerveux, des troubles respiratoire et circulatoire, des cécités, ainsi que diverses anomalies à la naissance: les enfants naissent sans jambes, sans bras, aveugles, avec des corps tordus.

Si l’agent orange n’est toutefois plus utilisé aujourd’hui, c’est au tour des bombes à uranium appauvri de faire parler d’elles – au coté des bombes à phosphore blanc. Ces armes presque aussi puissantes qu’une bombe nucléaire « classique » mais ne déclenchant qu’un incendie peu comparable, ont été utilisées pour la première fois par les Etats-Unis sur le sol irakien pendant la guerre du Golfe, puis lors de leur intervention au Kosovo et dorénavant en Afghanistan mais aussi par Israel. Aussi efficaces puissent-elles être d’un point de vue militaire, ces bombes sont une nouvelle fois un danger mortel de longue durée pour les populations qui, à la suite d’inhalation des composants de ces ogives en suspension dans l’atmosphère après leur explosion, par ingestion dans l’eau et les aliments contaminés, ou au travers des lésions cutanées éprouvent des symptômes de contamination radioactive. Aujourd’hui, les nouveau-nés souffrent de malformations congénitales, parfois hydrocéphales (boite crânienne anormalement développée) ou sans tête, sans membres, aveugles, tandis que d’autres encore naissent avec des anomalies du cœur, ou des poumons.

À qui profite le crime ?

Par l’intermédiaire du gouvernement des Etats et de leurs représentants lors de rencontres diplomatiques, les entreprises de l’industrie de l’armement ( Bouygues, Dassault, Saab, EADS… ) se retrouvent aux premières places des contrats signés prioritairement. Si la vente d’armes dans le cadre de visites courtoises peut paraître paradoxale, il n’en est pas moins choquant lorsqu’il s’agit de contrats effectués entre des pays dits démocratiques et des gouvernements totalitaires. Pensons dans ce cas à la France qui arme le Tchad, le Gabon ou la Chine. Le contexte politique peut aussi être porteur pour cette industrie. Ainsi, dopées par la peur quotidiennement entretenue par les médias et les politiques sur l’Iran, les ventes d’armes ont explosé dans la région, l’Arabie Saoudite souhaitant à titre d’exemple consacrer 36 milliards de dollars par an à sa défense sur les cinq prochaines années.
Mais cette honte des contrats d’armement ne s’arrête pas là. En effet, il se mêle à la cupidité des fournisseurs d’armes une avarice des plus malsaines. Tandis qu’au profit des pays exportateurs des Etats sont encouragés à s’endetter ou à dépenser inutilement des fonds exorbitants sous prétexte de la modernisation de leur armée ou se ruinent davantage dans le renouvellement des munitions nécessaires, les aides humanitaires sont en constante diminution. Il était estimé en 2008 par le Directeur Général de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) Jacques Diouf, que 30 milliards de dollars par an étaient nécessaires pour éradiquer le fléau de la faim dans le monde. À l’issue du sommet consacré pour l’occasion, les Etats présents se sont engagés à allouer seulement 20 milliards de dollars sur trois ans pour l’aide aux agriculteurs des pays pauvres. Rajoutons à cela que ces Etats membres de l’ONU cherchent à diminuer chaque année le budget de la FAO (aujourd’hui de 370 millions de dollars par an, soit 20 % de moins depuis 1995), tout comme le PAM (Programme Alimentaire Mondial), qui était à court de fonds pour début 2009. Le marché de l’armement quant à lui, paradait avec plus de 1 200 milliards de dollars de bénéfice en 2007.

Une alternative reste possible.

Le 1er juillet 1968 a été signé le Traité de Non-Prolifération Nucléaire, afin de limiter le nombre d’Etats dotés de l’arme nucléaire et contenir l’augmentation et le perfectionnement des arsenaux des pays possédant déjà l’arme nucléaire. Entré en vigueur en mars 1970 après avoir été signé et ratifié par quarante Etats, ce Traité compte aujourd’hui 188 Etats parties. Pourtant, nous ne pouvons que tristement constater que d’autres pays se sont dotés de cette arme entre temps, comme cela fut officiellement le cas par l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord, et plus officieusement par l’Etat d’Israel. Dans l’hypothétique cas d’un nouvel Etat se dotant de l’arme atomique, pensons – mais avec précaution – à l’Iran, il est aujourd’hui nécessaire d’établir de véritables normes contraignantes limitant au mieux la prolifération. Mais cela doit aller de pair avec un véritable démantèlement mondial de la menace nucléaire. Comment peut-on en effet demander à un Etat quel qu’il soit, de ne pas se doter de cette arme tandis que d’autres la possèdent et en font un véritable outil de puissance et de dissuasion ? Tout n’est qu’histoire d’exemple. Il relève donc de la logique que les Etats souhaitant mettre fin à la menace nucléaire engagent concrètement en premier lieu un processus de dénucléarisation de leurs propres forces armées.


Il reste toutefois à l’heure actuelle un Etat qui pourrait servir d’exemple à la planète entière et à l’ensemble des gouvernants, un pays d’où peut surgir l’Espoir d’un Monde dont la priorité ne serait définitivement plus la course à l’armement. Il s’agit du Costa Rica, petit Etat luxuriant d’Amérique centrale, qui après une guerre civile il y a plus de 60 ans décida d’abolir son armée. Le résultat est aujourd’hui sans conteste. En cessant tout investissement dans l’armement et l’entretien de l’armée, le pays connait un taux d’alphabétisation de 96 % grâce au financement de ses universités, et un investissement massif dans les hôpitaux du pays avec comme conséquence une espérance de vie en constante augmentation, et un taux de mortalité due aux maladies bénignes en chute libre. Óscar Arias Sánchez, actuel Président du Costa Rica et Prix Nobel de la Paix eut cette réflexion: « Certains pensent que nous sommes vulnérables parce que nous n’avons pas d’armée. C’est exactement le contraire. C’est parce que nous n’avons pas d’armée que nous sommes forts ». Gageons qu’un jour nos gouvernants puissent penser ainsi, que la course aux armements et à leurs profits mirobolant fassent parti du passé, pour un futur exempté de la constante menace chimique, nucléaire ou d’une balle perdue, pour un Monde suffisamment digne d’accueillir nos enfants.

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