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dimanche, 18 octobre 2009

L’expérience de Milgram

 

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C'est aujourd'hui une belle journée : vous vous êtes porté volontaire pour participer à une expérience de psychologie bien rémunérée. Dans les locaux de l'université, un scientifique vous reçoit ainsi qu'un autre volontaire. Il vous explique qu'il étudie l'effet de la punition sur la mémorisation. L'un de vous deux jouera le rôle d'un « élève », qui devra mémoriser des séries de lettres. L'autre jouera le rôle de l' « enseignant » : il lira les mots que doit mémoriser l'élève et administrera grâce à une série de manettes des chocs électriques d'intensité croissante à l'élève s'il se trompe en les restituant. Vous tirez vos rôles à pile ou face ; le sort vous attribue le rôle de l'enseignant. L'élève est attaché à la chaise, et l'expérience commence. Il mémorise d'abord assez bien les mots que vous lui lisez. Mais il commet une première erreur : vous lui administrez un léger choc électrique. Visiblement la punition fonctionne et il se concentre à nouveau. Il se trompe cependant encore une fois : sur les ordres du professeur, vous lui administrez un choc un peu plus violent. Le cobaye semble soucieux. Stressé, il accumule les erreurs. A chaque fois, le scientifique vous enjoint d'administrer un choc plus important ; jusqu'au point où votre collègue, hurlant de douleur, vous supplie d'arrêter. Le professeur, inflexible, vous ordonne de continuer. Vous arrivez à la dose maximale - les mots « attention choc dangereux » sont inscrits près de la manette correspondante. Votre collègue, sanglotant et à moitié assommé par les chocs, refuse de répondre depuis quelques temps. Le scientifique vous ordonne d'administrer le choc maximal. Naturellement, vous refusez. « Vous n'avez pas le choix : vous devez continuer », vous répond-t-il. Que faites-vous ? Par pitié pour le cobaye, vous désobéissez au scientifique et arrêtez ? Ou bien vous suivez les ordres ?

 


Sans doute estimez-vous que seul un être totalement inhumain pourrait continuer d'administrer les chocs électriques à ce niveau, et que vous auriez refusé les ordres du scientifique depuis longtemps. Cette expérience a été réalisée au début des années 1960 par Stanley Milgram, à l'université de Yale : le deuxième volontaire pour l'expérience était un complice du scientifique, et la pièce lancée à pile ou face afin de déterminer les rôles étaient truquées - ce complice était systématiquement désigné comme « élève ». Il s'agissait en fait d'étudier la soumission à l'autorité de l'individu jouant le rôle de l' « enseignant ».

 

Extrait du film I comme icare :


 

Avant que l'expérience n'ait été réalisée, des experts médecins-psychiatres prévoyaient qu'environ une personne sur mille administrerait les chocs électriques jusqu'au bout. A la grande surprise de Milgram, plus de 60 % des sujets ont suivi les ordres du scientifique qui dirigeait l'expérience en administrant trois fois le choc maximal à 450 volts.

 


 

Peut-être vous dites-vous que nous sommes moins passifs aujourd'hui ? Ce n'est pas le cas : reproduite en 2006, l'expérience a menée au même résultat. Les américains sont-ils plus cruels ou soumis que d'autres nations ? Non plus : cette expérience a été reproduite dans de nombreux pays, avec le même ordre de grandeur de soumission à l'autorité à chaque fois. Stanley Milgram avait réalisé cette expérience afin de comprendre comment un régime comme l'Allemagne nazie avait pu se mettre en place. Au vue des résultats de l'expérience, la soumission d'une large partie de la société à un régime inhumain semble moins surprenante - quoique bien inquiétante. Bien sûr, nous aimerions tous nous dire que nous ne faisons pas partie des deux personnes sur trois qui administrent les chocs jusqu'au bout. L'expérience de Milgram montre cependant que nous nous connaissons bien mal - et sous-estimons la part d'inhumanité passive cachée au fond de nous.

 

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Reste-il cependant encore un peu d'espoir pour l'humanité ? Oui. Un autre psychologue, Steven Sherman, a réalisé des sondages par téléphone demandant aux individus ce qu'ils feraient si on leur ordonnait de réaliser une action moralement mauvaise. Quelques semaines après, ils participaient à l'expérience de Milgram. Le taux de personnes administrant les chocs maximaux est passé de deux personnes sur trois à une personne sur trois - un chiffre toujours important, mais cependant réduit de manière appréciable. Pour éviter de nous retrouver à réaliser des actions que nous jugerions immorales, réfléchissons donc à l'avance à ce que nous ferions si ces circonstances se produisaient. Un nouveau regard sur l'adage « apprendre des leçons de l'Histoire pour éviter les erreurs du passé »...


Sylvain Métafiot


Source : Philosophie magazine n°24 novembre 2008

 

 

Commentaires

 

Je me souviens que l'on avait vu cette expérience en cours avec notre prof merveilleuse d'économie !
Choquante cette émission, et très bel article de Sylvain !
Quant au vieil adage entièrement d'accord, apprenons à nous connaître !

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