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samedi, 18 octobre 2008

Don Vito Corleone n’a pas de soucis à se faire

Gomorra (mélange entre la référence biblique Gomorrhe et Camorra), le film (2h30) de Matteo Garrone fut salué au dernier festival de Cannes et connu un large retentissement critique. Avant d’être un film, Gomorra est un livre (un roman-enquête pour être précis), celui de Roberto Saviano, aujourd’hui menacé de mort et vivant sous haute protection. A travers cette adaptation cinématographique nous plongeons au cœur de la mafia napolitaine de façon ultra-réaliste et malsaine. Exit donc le coté glamour des films de gangsters façon Le Parrain, Scarface, Casino, Les Affranchis, etc. Bon point vous vous dites. Seulement, ces films là sont des chefs-d’œuvre du genre, ce que Gomorra, malgré ses qualités n’est pas, loin de là.

 

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L’avantage de ce film est qu’il montre qu’il ne suffit pas d’être au plus près du réel pour s’inscrire dans le panthéon du cinéma. Ce serait même contradictoire : le meilleur film de fiction serait un documentaire, autrement dit, son contraire. On aurait aimé l’un ou l’autre. Mais, se réclamant du réalisme absolu Garrone n’a rien d’autre à nous proposer. Par ailleurs, la volonté de chasser toute dimension dramatique cinématographique du film se ressent lorsque deux gamins se prennent pour Tony Montana (le héros du Scarface de De Palma) et déconnent grave. Pourtant la réussite des classiques du gangster movie est qu’ils accédaient, via la fiction, des modèles (Shakespeare et Ulysse dans Le Parrain) et l’identification – empathique ou dégoutante – d’un personnage (Robert De Niro, Al Pacino, Marlon Brando…), à la vérité de la Mafia et de ses hommes.

 

Filmant ses protagonistes de haut avec antipathie, Garonne confond réalise et vérité, ce qui nous amène au second problème.
Ainsi, l’autre élément dérangeant, et non des moindres, est qu’on ne voit pas vraiment ce qui fait la spécificité de la Camorra, ce qui la différencie de n’importe quelle autre organisation criminelle dans le monde. On pourrait très bien être dans un bidonville de Rio, un quartier pauvre de New-York, une cité malfamée de Johannesburg ou une zone de Tokyo. A trop vouloir se contenter de la « simple » brutalité des images on n’apprend absolument rien sur l’organisation de la mafia napolitaine. On sait, par exemple, que la Cosa Nostra (mafia sicilienne) est « verticale » et soumise à une stricte hiérarchie dominée par les fameux « parrains ». On en déduira que la Camorra est « horizontale », gangrénant tous les niveaux de la société (de la rue, du quartier, du conseil d’administration, de la chambre de commerce, etc.) et toutes les pauvres âmes en quête de fric (du gamin des rues à la grand-mère, du bellâtre au patron véreux, etc.).

 

« Rien ne leur échappe, selon Antonio Fischetti, les camorristes sont des épiciers du crime qui ont réussi. Allez à Naples, postez-vous dans la rue, et regardez n’importe quelle scène. Si une trentaine de personnes se trouvent sous vos yeux, vous pouvez êtres sûr que dans le lot, il y a un ou plusieurs membres de la Camorra. »

 

En suivant le destin de plusieurs personnages (les deux ados débiles, le gamin des rues, le « distributeur » de fric, le responsable des déchets, le couturier stressé) on en oublie la corruption globale du système et la question politique. A trop vouloir porter son regard sur différentes composantes insignifiantes de l’organisation, on ne perçoit quasiment rien. Le regard flotte dans le flou.


En somme, un film étouffant où l’on prend certes plaisir au « gangstérisme scénique » (les fusillades c’est toujours excitant) mais dont le réalisme plat nous laisse frustré et aussi ignorant qu’en début de séance sur l’une des organisations mafieuses les plus dangereuses de notre temps. Dommage…

 

 

Sylvain Métafiot

 

 

Commentaires

 

Je te rejoins sur toute la ligne Alexis...sauf que tu t'es trompé passablement de 1000 ans, l'Italie est elle aussi au XXI siècle XD.

Bref, pour moi le fait que ce soit plus documentaire que spectaculaire ne me généra pas pour dire que c'est un chef d'œuvre (si c'est le cas), un simple exemple : "It's a free world".

Pour revenir au sujet, un pote italien (enfin sarde pour être précis), me l'a vivement conseillé en me disant que ce n'était pas un bon film...c'est simplement l'exact réalité.

 

Vous avez mal compris. Je ne regrette pas le coté spectaculaire des films de série B mais, tout simplement : une intrigue qui tient la route (ici point du tout), des protagonistes ayant un minimum de charisme (des fantômes ici), une ambiance particulière, un bon scénario (absence totale) et une mise en scène efficace.
J'aime beaucoup le réalisme au cinéma mais quand ça reste du cinéma au sens de raconter une histoire structurée ayant une dimension tragique. Je suis très friand des scènes d'actions crues telles que les fusillades mais cela ne suffit pas à faire un film, loin de là. Sinon on mate les daubes de Jean-Claude Van Damne et Chuck Noris...
En comparant Gomorra aux films cités dans l'article il ne fait pas le poids. Quand je pense aux Affranchis de Scorese, je me dis qu'on sacrifie l'âme du cinéma sur l'autel du réalisme. Contre exemple, La cité de Dieu, magnifique film sur l'ultra-violence des favelas a Rio : la brutalité y est filmé de manière crue sans artifices mais s'inscrit dans une logique de mise en scène redoutable, ce que le réalisateur de Gomorra n'a pas.
Il aurait donc pu faire un excellent documentaire et là on aurait également pu apprendre des choses sur cette saloperie de mafia. Là on ne sait absolument rien de plus, ou presque, à la fin du film.

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