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jeudi, 11 septembre 2008

Les paranos de la théorie du complot

11 septembre… une date anniversaire morbide et funeste, pas seulement pour les Etats-Unis mais pour le monde entier (exception faite des terroristes et de ceux qui les soutiennent). 11septembre2001.jpgPour « fêter » l’événement, notre humoriste vulgaire et beauf préféré, le bien nommé Jean-Marie Bigard, a déclaré sur Europe 1 (5/9) que la destruction du World Trade Center est « un mensonge absolument énorme », « une démolition contrôlée », que « c’est un missile américain qui a frappé le Pentagone » et que les gens de Bush « ont provoqué eux-mêmes ces attaques ». Ainsi, notre grand intellectuel, inventeur du si délicat « lâcher de salopes », non content de nous faire vomir avec son humour de rat d’égout, accrédite la thèse nauséabonde de la théorie du complot initié par le malade mental Thierry Meyssan et qui, malheureusement, recueille un écho favorable considérable sur le Net : Loose Change, le film honteux faisant un carton sur You Tube a pour principale source l’extrême-droite américaine.

Un article de Jean-Baptiste Thoret, intitulé Grand complot, permet de mieux appréhender ce délire paranoïaque. Il a été publié dans Charlie Hebdo à la suite de la déclaration de Le Pen affirmant que les attentats du 11/09/2001 étaient un "incident"…

"Ils", ce sont ceux qui, pour l'amateur de complots, dirigent le monde, mais en sous-main, dictent sa destinée et la marche de l'histoire, décident aujourd'hui d'assassiner Kennedy et fixent demain le prix de la baguette
Vous ne les voyez pas, vous ne les connaissez pas non plus, mais "ils" sont partout, comme les envahisseurs invisibles qui terrorisaient David Vincent ou les insectes imaginaires du récent Bug, de William Friedkin : au plus haut sommet de l'Etat, dans les cabinets ministériels, dans votre entreprise, derrière votre miroir, tout près de chez vous et sans doute même dans votre lit.
L'horizon pathologique de tout "complophile" réside dans la croyance délirante d'une interdépendance globale des événements, du plus grand au plus petit, et tient dans le fantasme d'une totalité aux ramifications multiples et dirigées par un mastermind invisible et surpuissant. Pour lui, un lien encore secret relie forcément les petits gris apparus au Nouveau-Mexique en 1947 et le camion qui percuta la moto de Coluche en 1986. Et en cherchant bien, le 11 septembre 2001 a quelque chose à voir avec la secte du révérend Jim Jones.
Tout récit conspirationniste débute toujours, à l'image des enquêtes hilarantes de Thierry Meyssan, par un déluge de faits, d'anecdotes et de témoignages apparemment indépendants, mais dont "on" va fabriquer le rapport. Pour le fanatique de la théorie du complot, la moindre information est suspecte, la moindre image soupçonnée de trucage, en bref, le monde n'est pas ce qu'il semble être. Dès lors, toute information se retrouve jaugée à l'aune d'une approche systématiquement réticulaire des événements et des signes.
Ainsi, à la question "pourquoi y aurait-il un lien entre X et Y ?" le comploteur décrète de fait l'existence d'un lien (forcément secret) ente deux événements a priori disjoints et s'interroge sur sa nature. D'où la puissance déstabilisatrice de cette rhétorique qui fait naître dans l'esprit faible une question artificielle à laquelle le "complophile", tout armé de sa théorie farfelue, s'empresse de répondre. Comme la propagande totalitaire, telle que l'a analysée Hannah Arendt, la théorie du complot, cousine naturelle d'idéologies délétères, "établit un monde capable de concurrencer le monde réel, dont le grand désavantage est de ne pas être logique, cohérent et organisé". Elle exploite en effet un travers de la psyché humaine : face à l'incomplétude du monde, face à une réalité parfois incompréhensible, on préférera toujours un récit cohérent, aussi délirant soit-il. Comme la nature, notre esprit a horreur du vide. Le "complophile" substitue donc à une réalité trouée et incertaine une fiction pleine et vraisemblable.paranoia.jpg
Or qu'est-ce que le vraisemblable, sinon le produit de ce qui du réel est désiré ? Si les faits sont vérifiables, ce qui les suture relève toujours de la fiction spéculative. C'est la manipulation centrale du genre : comme le paranoïaque, l'amateur de complots n'extrait de la réalité que la matière susceptible d'intégrer sa propre fiction et rejette hors champ tout ce qui pourrait la contrarier. Pour lui, la vérité est ainsi un moment du faux, la manipulation un moment de l'interprétation, et la réalité, un mensonge pas encore découvert.
Le "complophile" ne cherche donc pas plus à imposer une vérité particulière - "ils" lui suffit - qu'à produire la possibilité d'une puissance conspirante qui exploite notre méfiance réflexe à l'égard de tout système dominant et pallie la complexité du monde. D'où l'impossibilité objective de contrer toutes ces théories : dans la bulle autiste du conspirationniste, la vérité ne s'oppose pas au mensonge, mais l'amplifie. Par conséquent, aucune preuve, même la plus indiscutable, ne pourra jamais assécher le désir de complot puisque celui-ci se nourrit précisément de ce qui le contredit. Moralité : plus l'événement est vrai (la Shoah, la guerre du Golf, les massacres du Rwanda, le 11 septembre, etc.) plus il a de chances d'être faux."

Je tiens à préciser que je n’ai aucune sympathie particulière (c’est un euphémisme) pour Georges W. Bush et sa clique de néoconservateurs squattant la Maison Blanche. Qu’on ne vienne pas m’accuser d’être un pro-américain sioniste anti-arabe dissimulateur. Dans le cas contraire cela relève de la médecine…
J’apprend, par ailleurs, que Bigard s’excuse des propos qu’il a tenu en demandant « pardon à tout le monde ». Il regrette qu’on le prenne pour un révisionniste… Il fallait que ce décérébré y pense avant !


Sylvain Métafiot