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vendredi, 18 septembre 2020

Timothée Gérardin : « Nolan fond ses concepts dans de pures expériences sensorielles »

Timothée Gérardin est critique de cinéma pour la revue Independencia, fondateur du blog Fenêtre sur cour et auteur de l’essai « Cinémiracles, l’émerveillement religieux à l’écran » (Playlist Society, 2020). Dans son précédent ouvrage « Christopher Nolan, la possibilité d’un monde » (Playlist Society, 2018), il explore le parcours du cinéaste britannique qui, du film noir indépendant à l’épopée spatiale, en usant d’innovations formelles, de paradoxes temporels et d’architectures labyrinthiques, questionne notre conception de la réalité.

Le Comptoir : « Cinéaste du montage, Nolan est plus globalement un cinéaste de la construction trompeuse, du piège faussant la perception », écrivez-vous. La pierre angulaire de ce dérèglement de la perception n’est-il pas le jeu avec la temporalité ? Narration à rebours dans Memento, temps relatif dans Interstellar, chronologie superposée dans Dunkerque, temps ralenti dans Inception, temps inversé dans Tenet

timothée gérardin,interstellar,dunkerque,la possibilité d’un monde,insomnia,batman,inception,tenet,le prestige,memento,nolan fond ses concepts dans de pures expériences sensoriellesTimothée Gérardin : Oui, c’est du moins ce à quoi il est le plus souvent revenu, même si c’est un peu moins évident dans ses premiers film, si on met Memento de côté : FollowingInsomniaLe Prestige… Je pense que sa grande affaire est avant tout de pousser l’art du récit à ses extrémités, par son utilisation du montage qui fragment les points de vue, les confronte, les emboite, etc. Tantôt pour brouiller les pistes, créer une atmosphère, tantôt pour expliquer quelque chose au spectateur ou le tenir en haleine. À force de faire du récit son matériau, manipulable par lui en tant que cinéaste, mais aussi par ses personnages, il arrive à ce qui en constitue la substantifique moelle : le temps. Et sa manière d’aborder le sujet a elle-même évolué. Le récit de Dunkerque, par exemple, se différencie de celui d’Interstellar et d’Inception en ce que la relativité n’y est pas justifiée par le scénario : elle est un mode de narration à part entière, auquel le cinéaste demande d’adhérer.

 

Très théorique dans Inception, cette obsession pour le temps est devenue une histoire d’émotion dans Interstellar, de sensation dans Dunkerque et d’intuition dans Tenet. Une autre différence de Tenet, c’est que le phénomène temporel qu’il décrit ne peut pas être simplement figuré par le montage parallèle, il lui faut cette fois-ci représenter deux dynamiques opposées dans le même plan. Je crois que Nolan cherche à fondre ses concepts dans de pures expériences sensorielles, c’est en tout cas vers cela que semble aller sa filmographie.

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