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mardi, 03 mai 2011

Le rouge et le blanc

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Il faut le reconnaître, le mois d’avril fut un peu maigre en matière de films intéressants. Malgré le très touchant La Nostra Vita, le virevoltant Detective D et en attendant The Tree of Life, les salles obscures faisaient un peu peine à voir. D’autant plus que le sombre Easy Money eu surtout les faveurs des salles parisiennes… Mais c’était sans compter sur une petite merveille venue de l’Est, Essential Killing. Astucieux mélange de film d’action et de film d’auteur, plus spirituel que politique (en ce sens, ne pas se fier à l’affiche polonaise du film). Capturé par les forces américaines en Afghanistan, un homme, qui semblerait être un taliban, est envoyé dans un centre de détention tenu secret (les fameuses prisons secrètes de la CIA). Lors d'un transfert en Europe centrale, il réchappe d'un accident et se retrouve en fuite dans une forêt inconnue et oppressante. Traqué sans relâche par une armée sans existence officielle, il fera tout pour assurer sa survie. Peut-être au prix de ce qui fait de lui un homme…


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Nul besoin de remonter le cours du temps pour observer le spectacle terrible de la chasse à l’homme : la traque humaine existe toujours. Et elle magnifiquement mise en scène par le Polonais Jerzy Skolimowski : ici pas de grandiloquence, ni de coups de théâtre, encore moins de rebondissements en tout genre. Simplement la détresse d’un homme traqué, seul face à la nature et à ses péchés, pris d’une peur panique de se faire capturer. Si le début du film est plutôt bavard et dynamique, les dialogues cessent dès la seconde moitié du film. Parallèlement, le propos a priori idéologique du début laisse vite place à la situation angoissante et singulière du protagoniste. Les seuls sons qui persistent sont les terrifiants aboiements des chiens aux trousses de l’évadé, les cris des poursuivants, les branches qui se cassent, le crissement de la neige sous les pas, l’écoulement cristallin d’un ruisseau, le souffle du vent dans les arbres et bien évidement le souffle haletant et les pleurs du « héros », épuisé et abasourdi par une situation qu’il n’imaginait même pas dans ses pires cauchemars. A noter la performance exceptionnelle et quasi christique de Vincent Gallo : ce n’est pas un banal hors-la-loi que l’on suit pas à pas, mais un être déboussolé, halluciné, désespéré et mystique en lutte avec ses propres limites physiques pour vivre jusqu’au bout, quitte, paradoxalement, à trépasser. Un véritable chemin de croix hivernal.

 

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On peut éventuellement déceler certaines similitudes avec le premier Rambo : la traque dans la forêt par les forces américaines (la police pour John, l’armée pour le taliban), l’instinct de survie qui domine, seul contre tous, etc. Mais là où John Rambo maitrisait l’environnement naturel sur le bout des doigts au point de créer des pièges mortels pour ses poursuivants, notre Afghan est totalement démuni face à une nature inconnue et hostile. En voulant à tout prix échapper à la prison, il se contraint à un cachot pire encore : à ciel ouvert, gigantesque et glacial, sans repères, sans nourritures et sans issue. D’où un certain vertige nostalgique lorsqu’il songe au désert brulant de sa patrie d’origine, son village, sa femme, ses enfants, son paradis perdu. Le contraste n’en est que plus brutal. C’est avant tout un homme qui n’a plus rien que l’on chasse. Un homme sur le point de sombrer dans le néant.

 

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Alors, certes, notre évadé a fait sauter trois marines à coup de bazooka, certes il n’hésite pas à tuer (même des animaux, le salaud !) pour ne pas se faire repérer, certes c’est peut-être un islamo-fasciste, certes certes… mais l’empathie fonctionne malgré tout. On peine de le voir ainsi torturé par les américains en prison, d’être humilié comme un chien qu’on emmène à l’abattoir ; on souffre quand il marche dans un piège à loup, quand son corps se glace dans la neige, quand il se prend un arbre sur la gueule, quand il s’empoisonne, quand il rampe enfin, blessé et exténué, vers un logis en quête d’une aide providentielle. Cette aide, il la trouvera chez une paysanne muette (Emmanuelle Seigner dans un vrai rôle de composition) qui lui fournira, à la manière de l’auvergnat de Brassens, un peu de pain et de chaleur suffisant pour lui chauffer le corps. Et qui le cachera lorsque les croquants, pardon les militaires viendront toquer à sa porte. Nul doute que cette brave hôtesse gagne sa place, à travers ciel, au côté du Père éternel.

 

 

En revanche, le calvaire de notre bête humaine, touche dramatiquement à sa fin. C’était perdu d’avance et point de rédemption à la clé. La violence (soudaine et brutale) et la solitude (angoissante et vertigineuse) se traduisent à travers une poésie du sang sur un blanc toujours immaculé (la neige, la veste, la robe du cheval) qui rappelle, de façon abstraite mais universelle, la condition animale de l’homme traqué. Malgré ses soubresauts d’humanité qui contrebalancent ses pulsions bestiales, notre fugitif, qui n’aura pas prononcé une seule parole, conclura sa fuite éperdue et sa tourmente existentielle dans un dernier soupir frigorifique. A moins que ce ne soit celui de sa monture…

 

Sylvain Métafiot

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