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lundi, 24 février 2020

Métaphysique de la technique : L’Homme et la machine de Nicolas Berdiaeff

Nicolas Berdiaeff, Le Comptoir, Sylvain Métafiot,L’Homme et la machine,éditions R&N,Trois ans après avoir fait (re)paraître L’Homme et la technique d’Oswald Spengler – décryptant ce qu’il appelle la « culture Faustienne » de l’Occident – les éditions R&N publient un nouveau petit essai critique sur la modernité de la première moitié du XXe siècle : L’Homme et la machine de Nicolas Berdiaeff (1874-1948). Philosophe existentialiste chrétien, Berdiaeff explore dans ce court essai paru en 1933 les conséquences de l’apparition de la machine, « la plus grande révolution voire la plus terrible de toute l’histoire humaine ».

 

Analysant le concept de la technique sous un angle sociologique et métaphysique, Berdiaeff montre que ce fait « tragique » bouleverse notre culture tant matériellement qu’économiquement mais aussi spirituellement : « Deux éléments coexistent toujours dans la culture : l’élément technique et l’élément organique ; et c’est la victoire définitive du premier sur le second marque la dégénérescence de la culture en quelque chose qui ne l’est plus ». Comme le note justement Edouard Schaelchli dans sa préface : « loin de se laisser comprendre comme un simple phénomène matériel, [le phénomène technique] s’impose à l’esprit et détermine une attitude à son égard qui s’apparente plus qu’à une forme d’aliénation, à une véritable forme d’adoration, d’idolâtrie. » Difficile de lui donner tort quand on voit le culte que certains de nos contemporains vouent à leur smartphone au point de ressentir une angoisse panique en cas de perte (« j’ai toute ma vie dedans », suffoquent-ils).

 

Ayant fait sa révolution industrielle au XIXe siècle, la machine poursuivit ainsi son inexorable marche en avant au siècle suivant portée par les hourras des progressistes qui semblaient avoir oubliés cette mise en garde de Victor Hugo : « Sans cesse le progrès, roue au double engrenage, Fait marcher quelque chose en écrasant quelqu’un. » Plus proche de Nietzsche, Schelling ou Kierkegaard, Berdiaeff ne dit pas autre chose lorsqu’il décrit la révolte de la créature face à une force qui peut, par les armes, détruire toute l’humanité : « L’esprit prométhéen chez l’homme ne parvient pas à maîtriser la technique qu’il a lui-même engendrée, il ne peut venir à bout de ces énergies nouvelles qu’il a déchaînées. » Pour autant, le philosophe russe n’idéalise pas un retour au passé (« le passé tel qu’il nous séduit a été affranchi et purifié par notre imagination créatrice de tout ce qu’il comportait de laideur et d’injustices ») et s’il lui est inconcevable de tolérer l’autonomie de la machine, il ne rejette pas tous les torts sur elle : « la machine n’est qu’une projection » du processus global de déshumanisation et la libération de l’homme n’adviendra que par « une conscience qui placera celui-ci au-dessus de la nature et de la société, qui placera l’âme humaine au-dessus de toutes les forces sociales et cosmiques qui devront lui être assujetties ».

 

Sylvain Métafiot

 

Article initialement publié sur Le Comptoir

mardi, 04 février 2020

Nietzsche contre la culture barbare

Nietzsche contre la culture barbare, le Comptoir, Sylvain Métafiot,Seconde Considération Inactuelle,

 

Article initialement paru sur Le Comptoir

 

Rédigée en 1873 à Bâle, et sous-titré « De l’utilité et de l’inconvénient des études historiques pour la vie », la « Seconde Considération Inactuelle » fait partie d’une série de quatre traités polémiques dans lesquels le philosophe Friedrich Nietzsche parcourt l’échelle de ses intimités. Il combat une conception purement contemplative du savoir historique conçue comme une fin en soi et découplée de la vie. Pour lui, la connaissance doit permettre de vivre et d’agir.

 

Ce que son époque considère comme une vertu Nietzsche le considère comme un vice : « nous souffrons tous d’une consomption historique ». Dénonciateur autant que guérisseur, il souhaite ainsi renverser le courant, « contre le temps, et par là même sur le temps en faveur d’un temps à venir ».

 

« Je déteste tout ce qui ne fait que m’instruire sans augmenter mon activité. » Goethe

Le poids du passé

Le premier paragraphe de la Seconde Considération Inactuelle porte sur l’ambivalence du passé. D’un coté, le passé pèse sur l’homme comme un fardeau invisible parce qu’il s’en souvient, c’est la mémoire qui signe sa prégnance à force de le ruminer. Cette charge nuit à l’homme et l’anéantit car le ressassement empêche l’action : plongés dans nos regrets nous délaissons l’avenir. D’un autre coté, l’oubli est une condition de l’action et du bonheur car agir suppose être dans le présent et orienté vers le futur. Dans ce cas, le passé peut peser comme un acquis.

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